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Fiche


irrigation traditionnelle des prairies en Ardenne belge

L’abissage est une méthode d'irrigation traditionelle qui consiste à irriguer les prairies de fauche de versants et de fonds de vallée au printemps par simple gravité.

L’abissage ou irrigation traditionnelle des prairies en Ardenne belge

Toutes les informations sur L'abissage

Localisation géographique :

Des traces de cette pratique agricole ancestrale sont encore observables dans toute l’Ardenne belge et notamment dans plusieurs communes francophones de la Province de Liège (Waimes, Malmedy, Stavelot, Trois-Ponts, Stoumont et Lierneux), de la Province du Luxembourg (Vielsalm, Gouvy, Houffalize, La Roche-en-Ardenne, Manhay, Bastogne, Daverdisse et Libin) et de la Province de Namur (Gedinne) ainsi que dans plusieurs communes germanophones de la Province de Liège (Butgenbach, Bullange, Amblève, St-Vith et Burg-Reuland).

Un canal d’abissage est encore en activité. Il est situé à proximité du village de Cierreux, dans la commune de Gouvy, au nord de la Province du Luxembourg

Communauté concernée (groupes ou individus) :

La Communauté est constituée avant tout de personnes qui pratiquent (ou ont pratiqué) l’abissage et qui ont donc une connaissance approfondie du savoir-faire.

Parallèlement, un certain nombre de personnes privées, d’institutions et d‘associations soutiennent l’initiative et font indirectement partie de cette Communauté.

Société(s) ou groupe(s) responsable(s) :

La Société introduisant le dossier est le Service public de Wallonie Agriculture, Ressources naturelles et Environnement, représenté par Madame Bénédicte HEINDRICHS - Directrice générale│SPW ARNE - avenue Prince de Liège, 15 à 5100 Jambes│081.335.117 │benedicte.heindrichs@spw.wallonie.be

Dans la pratique, le formulaire de demande de reconnaissance au titre de chef-d’œuvre du Patrimoine oral et immatériel de la Fédération Wallonie-Bruxelles a été construit par le SPW ARNE (Marc REUTER et Marc THIRION), l’asbl Agra-Ost (Pierre LUXEN), l’asbl Natagriwal (Emily HUGO) et l’asbl Protect’eau (Dimitri WOUEZ).

Pour décrire globalement l’abissage, voyons de plus près le canal restauré à Cierreux qui par son histoire, son emplacement dans le paysage et son fonctionnement est très représentatif de cette ancienne technique d’irrigation.

Après avoir obtenu l’accord du conseil communal de Bovigny le 14 août 1869 pour établir un réseau d’abissage et irriguer ses parcelles agricoles, sans doute début des années 1870, Adolphe DELVAUX, fils du docteur en médecine Charles DELVAUX, premier recteur de l’Université de Liège, a aménagé quelques hectares de pré de fauche (pré aux Tambales) et équipé ceux-ci d’un système traditionnel d’irrigation :

  • L’irrigation du côté nord s’effectuait au départ du ruisseau des Fagnes situé à l’entrée même de la parcelle. L’important travail de creusement du bief sommital (canal d’abissage), en adéquation avec les courbes de niveau, assurait une pente d’écoulement de 4,5 mm pour mille. Les eaux non utilisées s’évacuaient vers un étang ;
  • L’irrigation du côté sud, s’effectuait grâce à de l’eau captée à 500 m en amont.

Abandonné après la première guerre mondiale, les 2 canaux, comme tant d’autres, se sont colmatés. En 2011, Agra-Ost a alors commencé à restaurer le canal côté nord.

Si dans le temps, il fut nécessaire de demander et de disposer des autorisations pour mettre en œuvre un tel projet et appliquer le savoir-faire, c’est encore le cas maintenant. Le savoir-faire implique donc également une connaissance et un suivi de tous ces règlements.

En tête du canal, se trouve un ouvrage en béton, permettant au besoin de dévier une partie des eaux du ruisseau des Fagnes pour alimenter le canal d’abissage.

La longueur des canaux d’abissage varie d’une centaine de mètres à plusieurs kilomètres (à Cierreux, elle est de 800 m) ; la largeur varie de 0,3 m à 1 m et la profondeur de 0,3 à 0,6 m (Fontaine, 1981).

En pratique, les canaux d’abissage doivent être reprofilés et nettoyés régulièrement pour garantir un écoulement uniforme de l’eau dans le canal et, par débordement, sur la prairie. En fonction du nombre de prairies et/ou de propriétés, des barrages (en bois, en métal ou en pierre) équipent ces canaux.

Dans le cas du Pré aux Tambales, quatre barrages constitués de planches de bois à enchâsser dans des encarts métalliques équipent le canal. Ceux-ci permettent donc une irrigation de la prairie de fauche par secteur (ou par agriculteur). Il va de soi qu’en présence de plusieurs agriculteurs, la répartition de l’eau, mais aussi des charges d’entretien, doit se faire de manière équitable et bien coordonnée. Cet arrangement peut, le cas échéant, être acté et/ou être exécuté par le responsable du canal.

Depuis 2013, à la fin de l’hiver ou au début du printemps, Monsieur LUXEN, avec l’aide des agriculteurs, du propriétaire et de bénévoles, remet le canal en état (nettoyage, étanchéification du lit du canal, colmatage des trous et galeries de souris, entretien des barrages...). Le cours d’eau est alors dévié et le canal irrigue progressivement les différents secteurs de la prairie pendant environ deux semaines. L’eau retenue par les barrages va dépasser le bord du canal et ruisseler en fines lames sur les différentes sections de la prairie pour s’infiltrer partiellement dans le sol. Le reste de l’eau de ruissellement s’évacue par le ruisseau. Le solde de l’eau présent dans le canal rejoint un étang.

Cette technique nécessite une connaissance spécifique des interactions environnementales :

  • Trop d’eau est nocif pour le milieu,
  • Trop peu d’eau est préjudiciable au rendement de la prairie de fauche.

A l’occasion des différents travaux, la Communauté en profite pour promulguer le savoir-faire à des personnes ou groupes intéressés. Des initiatives de restauration de canaux existent d’ailleurs dans d’autres communes que la Communauté soutient ; leur mise en œuvre participera à la revitalisation de ce patrimoine.

Par le biais du canal du Pré aux Tambales encore en activité, l’abissage est encore bien vivant en Ardenne belge. Chaque année, les prairies sont irriguées au printemps selon des modalités adaptées aux besoins : la quantité et le moment de distribution peuvent changer en fonction des conditions météorologiques, la technique de barrage et de distribution peut aussi évoluer. En définitive, la première action à mener consiste donc à maintenir le canal d’abissage en activité, de faire sa publicité et de susciter la restauration d’autres canaux.

La recherche des sources du savoir-faire, l’échange et la documentation relèvent de la deuxième action. La recherche de documents historiques, de traces dans le paysage et surtout de témoins encore vivants se fait en continu grâce à l’implication des membres de la Communauté. En fait, dans le cadre des visites de terrain, la rencontre des agriculteurs, des associations environnementales ou historiques, de la population rurale, en générale, permet de retrouver des témoins et des praticiens de cette technique et d’approfondir ainsi le savoir-faire. Les trouvailles sont documentées (cartographie, photographie, enregistrement…) et archivées, chez Agra-Ost et chez les différents partenaires. Ce travail, bien que très énergivores, permet non seulement de maintenir en vie la mémoire de l’abissage, mais aussi de parfaire le savoir technique et de prospecter le territoire pour encourager et relancer des initiatives de restauration de canaux. Ainsi, des agents du SPW ARNE ont parmi leurs missions le soutien et l’accompagnement de l’abissage. En plus, le groupe de travail régional dédié à l’abissage (voir infra) organise annuellement une visite d’autres régions d’Europe où l’irrigation traditionnelle est toujours pratiquée.

La troisième action a trait à la communication et la sensibilisation. Peu de citoyens de la Fédération Wallonie-Bruxelles savent encore en quoi consiste l’abissage. A travers des exposés et visites, des articles, des balades guidées (écoles, étudiants, associations de protection de la nature, cercles d’histoire, lors des journées du patrimoine et de l’eau…) et au moyen d’un panneau didactique sur le site à Cierreux, les membres de la Communautés veillent à faire connaître et reconnaître ce patrimoine au sein de la population. Ainsi, dans le cadre des journées de l’Eau et avec les Contrats de rivières (Lesse, Amblève, Moselle), des balades incluant l’abissage sont prévues.

La transmission du savoir-faire le plus largement possible relève de la quatrième action. Force est de constater que la transmission de la connaissance en matière d’abissage est avant tout orale et donc peu formelle. Elle se fait d’un côté entre les membres de la Communauté qui s’échangent entre eux sur les aspects pratiques, et d’un autre côté de la Communauté vers toute personne intéressée. L’intérêt pour la technique est grandissant, aussi chez les jeunes, et par conséquent, on peut se réjouir que la relève soit assurée.

Pour mener à bien ces 4 actions, un groupe de travail régional dédié à l’abissage s’est créé. Il a pour missions :

  • Assurer la transmission du savoir-faire de la Communauté vers toutes personnes ou institutions qui en font la demande ;
  • Continuer la recherche sur l’impact environnemental de l’abissage ;
  • Poursuivre la recherche des témoignages ;
  • Promouvoir les connaissances ;
  • Rechercher les moyens financiers qui permettront le restauration et l’entretien d’autres canaux d’abissage en Ardenne belge ;
  • Introduire le dossier de demande de reconnaissance comme chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel à la Fédération Wallonie-Bruxelles et soutenir la demande de reconnaissance au niveau de l’UNESCO ;
  • Soutenir toute initiative de restauration de canaux d’abissage ;
  • Organiser des interviews, visites guidées et conférences ;
  • Assurer la communication, la sensibilisation et l’éducation sur l’abissage ;
  • Organiser annuellement une visite d’autres régions d’Europe où l’irrigation traditionnelle est toujours pratiquée ;
  • Promouvoir le tourisme doux en lien avec l’abissage.

Il est composé des structures suivantes :

  • Le SPW ARNE (Service public de Wallonie – Agriculture, Ressources naturelles et Environnement) et plus particulièrement le Département du Développement, de la Ruralité, des Cours d’eau et du Bien-être animal, le Département de la Nature et des Forêts, le Département de l’Etude du Milieu naturel et agricole et le Département de l’Environnement et de l’Eau. Plusieurs agents sont directement concernés par l’abissage et participent activement au projet (cf. point 3.5. Aspects sociologiques et humains) ;
  • Agra-Ost, une asbl dont les missions principales sont outre l’expérimentation herbagère et la valorisation des engrais de ferme, le maintien d’un environnement rural de qualité et la vulgarisation de son savoir ;
  • Natagriwal, une asbl dont la mission principale est d’informer, conseiller et encadrer les agriculteurs, les forestiers et les propriétaires publics et privés dans la mise en œuvre des mesures agri-environnementales et climatiques et de Natura 2000. Grâce à ses nombreux contacts avec les propriétaires fonciers et les agriculteurs, cette organisation joue un rôle important en matière de diffusion de l’information en milieu rural ;
  • Protect’eau, une asbl dont la mission principale est la préservation de la qualité de l’eau par le conseil et la sensibilisation des agriculteurs et des utilisateurs professionnels à la gestion de l’azote et des produits phytopharmaceutiques.

Le savoir-faire de l’abissage est assurément menacé de disparition car la pratique elle-même est menacée. Et les menaces qui pèsent sur la technique et le savoir-faire de l’abissage sont multiples :

  • L’abissage est une pratique souvent méconnue du grand public ;
  • L’érosion des connaissances et du savoir-faire se fait sentir car les personnes ayant pratiqué l’abissage sont devenues extrêmement rares. Les traces des anciens canaux ont majoritairement disparu dans les prairies ou sont en voie de l’être ;
  • Les pratiques agricoles actuelles n’ont plus besoin de l’abissage. En plus, un recours à cette pratique implique des dépenses en argent, en temps et en main d’œuvre ;
  • La pratique nécessite un entretien régulier des canaux, donc, une main d’œuvre manuelle relativement importante, et la manipulation d’outils particuliers que peu de gens connaissent encore aujourd’hui et que très peu savent utiliser ;
  • La législation en matière de prise d’eau a changé et pourrait constituer une difficulté ;
  • Le manque de sources de financement : la Politique Agricole Commune qui fixe les objectifs pour l’agriculture change régulièrement. Par conséquent le cadre financier évolue et donc ce qui est soutenu aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain ;
  • Certains membres d’associations de protection de la nature restent parfois réservés lorsqu’il s’agit de coopérer avec des particuliers dans des zones de protection où on rencontre encore souvent des vestiges de canaux ;
  • L’accès au foncier : la remise en état de canaux peut s’avérer très difficiles voire impossible si un grand nombre de propriétaires est concerné par un tronçon de prairie à irriguer ;
  • La concurrence avec les autres utilisateurs/usages de l’eau (moulins, production d’électricité, pisciculture, étangs de loisir…) peut générer des conflits ;
  • Le changement climatique : pour restaurer un canal, il faut une source fiable d’eau ; or, de plus en plus de sources se tarissent.

La mise en commun du savoir-faire et la diffusion de celui-ci sont donc des facteurs déterminant pour sauver la pratique de l’abissage et sa transmission à la génération suivante. Les visites guidées, l’insertion dans le réseau local des promenades, les articles de presses et les autres initiatives mentionnées au point précédent concourent à la sauvegarde de la pratique et de son savoir-faire.

Malgré ces initiatives, l’abissage a besoin de mesures de sauvegarde urgentes. En effet, actuellement :

  • L’entretien du canal est assuré par des bénévoles ; cette situation est donc précaire ;
  • Il n’existe qu’un seul canal actif en Ardenne belge. Il conviendrait donc de restaurer d’autres canaux. Une initiative a été lancée dans le cadre du Contrat de rivière de la Lesse à Gembes (commune de Daverdisse) ;
  • Il n’existe pas encore une transmission parfaitement structurée du savoir-faire et des modalités de mise en œuvre de l’abissage en Ardenne comme par exemple par le biais de formations spécifiques.

Dialogue intergénérationnel :

En Fédération Wallonie-Bruxelles, les derniers témoins de l’abissage ont passé les 70 voir les 80 ans. Avec l’aide de cercles d’histoire locale, grâce à différents contacts avec des musées locaux et le musée de la Vie Wallonne et moyennant des visites de terrain, le groupe de travail essaie de retrouver ces témoins pour qu’ils puissent léguer leur savoir-faire et expliquer l’histoire de « leurs » canaux. Dans la mesure du possible, ces entretiens sont enregistrés et documentés par les membres de la Communauté.

D’un autre côté, l’engouement actuel porté à la biodiversité, au milieu naturel et au climat permet de susciter l’intérêt d’autres générations pour l’abissage, une technique agricole en parfaite adéquation avec les préoccupations actuelles. Il convient donc absolument de saisir cette chance car un dialogue intergénérationnel est indispensable pour perpétuer la pratique et générer une ambiance conviviale à travers les âges.

Dialogue multiculturel :

Au niveau national (et international), les échanges entre praticiens sont essentiels pour faire revivre cette pratique. Dans le cadre de ces échanges et à l’occasion de la participation à des workshops d’autres communautés, des personnes de sexes, d’âges et d’horizons différents se rencontrent tels que des gens de terrains, des scientifiques, des naturalistes, des agriculteurs, des ingénieurs de l’eau, des représentants de syndicats d’initiatives, des randonneurs et des édiles communaux, tous motivés par la même cause. Il va de soi que montrer « son savoir-faire » à des personnes d’autres régions génère un sentiment de fierté. Les enseignements tirés et les ponts construits entre les acteurs sont une aubaine pour toutes les communautés.

Développement durable (environnement, santé, économie inclusive, etc.) :

L’abissage est une forme de gestion durable des prairies et de la ressource « eau ». Elle contribue favorablement à la conservation de la nature et plus particulièrement à celle de la biodiversité. En effet, ce type d’irrigation a conduit à une diversification de la végétation, selon sa localisation dans les vallées, et au développement d’espèces neutrophiles à calcicoles telles que le colchique d’automne et l’orchis mâle, espèces très rares dans la région puisque le sous-sol ardennais est un socle schisteux acide et que ces espèces se développent plutôt sur les sols plus riches de Famenne notamment. En effet, l’apport d’alluvions et de sels minéraux enrichit légèrement les sols et dynamise l’activité microbiologique. D’autres espèces typiques des prairies abissées sont la knautie, la caille lait jaune ou encore l’amourette. A Cierreux, des espèces rares, voire menacées d’extinction, comme l'écuelle d'eau et la wahlenbergie, sont aussi présentes. De même, on y trouve des lambeaux de nardaie, un habitat prioritaire au niveau de la Directive Natura 2000 (directive habitat de 1992), notamment au niveau des anciens tertres d’orpaillage. Il est à noter que si le relevé floristique le justifie, l’exploitant agricole peut déclarer la prairie abissée au titre de mesure agro-environnementale et climatique « prairie de haute valeur biologique » (MAEC4).

Un aspect très important concerne la gestion de l’eau, une ressource naturelle qu’il faut utiliser avec parcimonie. Si on dévie trop d’eau, ce n’est pas bon pour la prairie, et si on dévie trop peu, ce n’est pas bon pour la production de foin. Outre les besoins de la prairie, il faut tenir compte également des besoins des autres « utilisateurs » du cours d’eau (faune aquatique, pêche, pisciculture, production d’énergie…).

Mais il n’y a pas que des raisons environnementales ou patrimoniales qui justifient le maintien de la pratique, il y a aussi une composante économique : la volonté de produire un foin de qualité (surtout dans les années de sècheresse), sans ou avec très peu d’engrais organiques, par et pour l’agriculture locale. Cela justifie aussi en engagement en faveur du maintien de la technique et de la flore associée à l’abissage.

En résumé, l’abissage permet de concilier protection de la nature, agriculture, gestion des eaux. A noter aussi que la pratique peut contribuer à l’adaptation aux changements climatiques (lutte contre la sécheresse).

Diversité et créativité humaine :

Dans le cas où un canal d’abissage fournit en eau plusieurs agriculteurs, une bonne entente et un sens aigu de coopération sont à la base d’une responsabilité collective nécessaire au fonctionnement de l’élément et à la transmission du savoir-faire. Plusieurs discussions houleuses, confrontations ou espiègleries sont restées dans la mémoire des témoins interrogés ou sont documentées dans divers jugements de tribunaux. Comme déjà dit précédemment, en Ardenne belge, aucune société coopérative ne s’est développée autour de l’irrigation des prairies. L’entretien et le droit à l’eau étaient plutôt régis par des contrats entre agriculteurs (document de Monsieur Gary JOST de 1837 [annexe 8]) ou des règlements communaux, comme celui de la commune de Villance (Libin) de 1816 ou d’Ochamps (Libin) de 1870 (Lebrun, 2005). Monsieur Jean-Claude LEBRUN a d’ailleurs fait plusieurs recherches à ce sujet qu’il a publiées notamment dans la revue du cercle d’histoire de Libin.

En fonction du but recherché, tant la pratique de l’abissage que l’entretien des canaux laissent énormément d’espace à une gestion diversifiée et/ou innovante. Ainsi à l’origine, l’abissage avait seulement un objectif agricole : produire plus de foin. Aujourd’hui, l’objectif a évolué et est devenu davantage orienté vers la biodiversité. L’approche développée par les membres de la Communauté est devenue multifonctionnelle (voir supra Développement durable).

Finalement, la technique aussi a évolué. Si dans le temps, tout se faisait à la main, aujourd’hui, on peut recourir aux nouvelles technologies et à des machines diverses. La participation aux divers travaux d’entretien peut aussi être ouverte à tous (exemple : organisation de journées de gestion comme le font parfois les associations de protection de la nature, implication de mouvements de jeunesse…).

L’abissage associe valeurs matérielles (paysage cultural, système d’irrigation) et valeurs immatérielles (application du savoir-faire transmis, dialogue intergénérationnel). En cela, elle contribue au maintien d’un paysage de grande biodiversité au bénéfice de l’agriculture et de la société.

La reconnaissance en tant que Patrimoine oral et immatériel participe à la sauvegarde de l’abissage. Elle lui confère encore plus de notoriété ce qui génèrera, on l’espère, l’intérêt d’autres acteurs (communes, agriculteurs, citoyens…) qui participeront à leur tour à la pérennisation de cette pratique.

Complémentairement, la reconnaissance permet de valoriser tout le travail de conservation entrepris par les bénévoles.

Références bibliographiques

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LAMBERT J. (1962-1963) : “Recherches phytosociologiques sur les prairies de la Moyenne-Ardenne”, Agricultura, 10 : 259-344, 577-618, 827-857.

LAURENT A. (1967) : “Les biez ardennais. Un système d’irrigation en voie de disparition”, Revue Belge de géographie, 91e année, 67-78.

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LEBRUN J-C (2011), Dans le cadre des Journées de l'Eau : Promenade historique à la découverte d’activités liées à l’eau entre Villance et Lesse. « Les Barbouillions », Mai-Juin 2011, p. 15

LEIBUNDGUT C., VONDERSTRASS I. (2016) : Traditionelle Bewässerung – ein Kulturerbe Europas, Band 1 und 2

LUXEN P., PHILIPPE A., ROUXHET S. (2010) : Les prairies d’abissage en Ardenne belge. Un patrimoine naturel remarquable à sauvegarder. Fourrages, n°203, 231-234.

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PHILIPPE A., ROUXHET S., LAMBERT J., LUXEN P. (2008) : Prairies traditionnelles d’Ardenne, Collection Agrinature n°2, Ministère de la Région wallonne, Direction générale de l’Agriculture, 122 p ; agriculture.wallonie.be/apps/spip_wolwin/IMG/pdf/Agrinature2.pdf

PONCELET L., MARTIN H. (1947) : Esquisse climatologique de la Belgique, Mémoire Institut Royal Météorologique de Belgique, 27, 265 p.

QUERRET M.H. (1845) : De l’amélioration des prairies naturelles en Basse-Bretagne et de la fabrication et de la conservation des fourrages, Typographie de Ch. Le Blois, Brest, 36 p.

Ressources en ligne :

- Site web du réseau international de l’utilisation traditionnelle de l’eau : www.intwater.uni-freiburg.de/news

Reportage TV Lux sur l’inauguration du canal (2017) : www.youtube.com/watch

Reportage Vedia Television sur l’abissage 2020 : www.youtube.com/watch

Vidéo Abissage sans commentaire 2021 : www.youtube.com/watch

Témoignage Jean Lambert (2020) : www.youtube.com/watch

Témoignage Joseph Thomas (2020) : www.youtube.com/watch

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