Fiche
Le jeu de fer est le jeu populaire tournaisien par excellence. Souvent décrit comme à mi-chemin entre le billard et la pétanque, il se joue depuis des générations et continue de rassembler amateurs et passionnés. Aujourd’hui encore, quelques 350 joueurs, leurs sociétés, leur fédération, le comité et différentes institutions culturelles veillent à son développement et à sa transmission.

Toutes les informations sur Le jeu de fer tournaisien
Aujourd'hui, le jeu de fer se pratique dans la Commune de Tournai, dans les cafés et lieux suivants : -
- Café l’Impératrice, rue des Maux, 12/B, 7500 Tournai
- Café L’Évidence, chaussée de Renaix, 311, 7500, Tournai
- Café La Clef d’Or, rue des Radis, 27, 7540, Kain
- Café Au Rep’Ere, chaussée Romaine, 168, 7500, Tournai
- Café À la vieille Guinguette, chaussée de Willemeau, 78, 7500, Tournai
- Café À l’Almanach, rue de Calonne, 110, 7521, Chercq
- Café Le Colombophile, rue Raoul van Spitael, 19, 7540, Kain
- Café La Porte d’Ere, chaussée Romaine, 110, 7500, Tournai
- Café du Sud, chaussée de Willemeau, 104, 7500, Tournai
- Café Le Coquin, Grand'Route, 111, 7530, Gaurain-Ramecroix
- Café Regina, place Crombez, 4/8, 7500, Tournai
- Maison de jeunes Masure 14, rue As Pois, 7, 7500, Tournai
- Café Au Dé Botté, Vieux Marché aux Poteries 2A, 7500 Tournai
- Café Au Vieux Tournay, Grand'Place 48, 7500 Tournai
- Maison de la Culture de Tournai, avenue des Frères Rimbaut 2, 7500 Tournai
- Musée de Folklore et des Imaginaires, Réduit des Sions 36, 7500 Tournai
- L’Etap’Atelier, rue Paul Pastur 83b, 7500 Tournai
- La Caserne Rucquoy, rue de la Citadelle, 7500 Tournai
Groupes ou sociétés responsables de la reconnaissance :
Comité Tournaisien de jeu de fer – raymond.bafort@skynet.be
Fédération de Jeu de Fer de Tournai – federation.jeudefer@gmail.com
Stéphane Allard, fabricant et restaurateur artisan – stephane-allard(at)outlook.be
Les cafetiers de Tournai participant à la sauvegarde, notamment via l’organisation d’initiations ou de compétitions : Au Dé Botté - info@audebotte.be, Au Vieux Tournay - vieuxtournay@gmail.com
Liste des sociétés actuelles (16) :
- Les Amis Brogteux - Les Amis d’Allain
- Les Amisses du Fier - Les Amis du Sud
- Les Artilleurs
- Les Béquilleux
- Les Charlots d’en Fer
- Les Escampeux
- Les Escampeux de Chercq
- Les Fair-Clef
- Les Grincheux
- Masure 14
- Les Mousqued’fer
- Le Regina Club
- Philippe Gilfer
- Saint-Brice
Les institutions culturelles et associations possédant un jeu de fer et participant à la sauvegarde de la pratique, notamment à travers sa promotion auprès de ses publics :
- Le Musée de Folklore et des Imaginaires (MuFIm) - musee.folklore@tournai.be
- la Maison de la Culture - billetterie@maisonculturetournai.com
- le Centre d’Expression et de Créativité Imagine - constance_paris@maisonculturetournai.com
- la maison de jeunes Masure 14 - contact@masure14.be
- l’Etap’Atelier - atelier@letape.be
Le jeu de fer est un jeu de café typique de la ville de Tournai, souvent décrit comme une sorte de mélange entre la pétanque et le billard. Existant au moins depuis le début du XIXe siècle dans la ville, il s’est petit à petit institutionnalisé pour devenir ce qu’il est aujourd’hui, et est encore pratiqué par des joueurs occasionnels ainsi que des joueurs fédérés au sein de nombreuses sociétés. Durant l’évolution de son histoire, il s’est développé en tant que marqueur fort de l’identité tournaisienne pour ses pratiquants.
Lors d’une partie de jeu de fer, les joueurs s’affrontent sur une table, sur laquelle s’élèvent cinq éléments verticaux en métal (bronze, laiton, fer ou inox) : les broches. Leur but est de compliquer le jeu en plaçant des obstacles sur la surface. Elles sont disposées en ovale derrière le pont, et la broche du fond est appelée « étaque ». Autour de l’étaque, dans les jeux plus anciens, des cercles concentriques sont gravés pour permettre aux joueurs de distinguer plus nettement l’écartement des fers par rapport à celle-ci. Le nombre et l’écartement de ces cercles varie selon les jeux. Le pont, quant à lui, est un ensemble de deux broches écartées seulement du diamètre exact du fer, et souvent reliées entre elles par un arceau métallique.
Avec l’aide d’une queue de billard biseautée et aplatie, les joueurs doivent envoyer leurs fers, des palets en métal (fer, bronze, acier ou inox), le plus près possible de l’étaque, sans les faire tomber dans la rigole encadrant la surface de jeu. Les fers sont au nombre de huit, soit quatre par équipe ; quatre d’entre eux sont marqués d’un point (« les as »), et les autres sont marqués de cinq points (« les cinq »). Les fers sont rangés dans les rigoles, les as d’un côté et les cinq de l’autre. Leur emplacement respectif est indiqué par des clous/rivets en métal enfoncés sur les côtés du jeu, un seul d’un côté et cinq de l’autre.
Les joueurs s’affrontent un contre un, jusqu’à quatre contre quatre maximum. La façon la plus courante de jouer est cependant deux contre deux, ce qui permet, selon les joueurs, de cultiver la convivialité entre eux tout en participant activement au jeu (c’es-à-dire ne pas attendre leur tour trop longtemps). Il existe cependant certaines règles anciennes, qui sont aujourd’hui rarement mises en usage, permettant aux joueurs de jouer à trois joueurs en tout, trois contre trois, voire quatre contre quatre, mais cela demande des dispositions spéciales. Dans le cas où les joueurs décideraient de jouer à trois, il faut tirer au sort pour connaître les deux joueurs qui joueront la première partie ; ensuite, le joueur restant peut soit prendre les fers du vainqueur et prendre sa place, ou prendre les fers du perdant et prendre sa place, bien que dans tous les cas ce soit lui qui jouera en premier au tour suivant. Si jamais les joueurs décident de faire une partie en deux équipes composées de trois joueurs chacune, il existe deux possibilités : soit le jeu se fait avec douze fers au lieu de huit, permettant ainsi à chaque joueur de jouer ses deux fers, soit le jeu se fait avec la configuration classique des huit fers et, dans ce cas, le premier joueur de chaque équipe joue deux fers, tandis que les deux suivant n’en jouent qu’un, chaque joueur devant prendre le rôle de premier joueur au cours des différentes manches – autrefois appelées reprises – afin de pouvoir jouer deux fers. Le jeu de fer peut aussi se jouer à huit joueurs, mais il se joue alors avec seize fers.
Comme précisé ci-dessus, une partie classique se joue avec huit fers au total : chaque équipe dispose donc de quatre fers, qui sont répartis en deux catégories, les as et les cinq. Avant de commencer la partie, un joueur prend un as et un cinq, les retourne et les mélange sur la partie métallique de l’avant-planche. Un joueur adverse choisi alors un des fers au hasard, et celui qui tire l’as est désigné pour commencer la partie ; c’est ce qu’on appelle tirer ou jouer l’acquit.
Le premier joueur tire donc son fer en essayant le plus possible de se rapprocher de l’étaque. Une fois ce coup joué, c’est au tour de l’équipe adverse. Le ou les joueurs doivent alors à leur tour essayer de rapprocher leur fer de l’étaque ; comme à la pétanque, ils ne s’arrêteront de jouer que lorsque l’un de leurs fers se sera rapproché plus près de l’étaque que celui de l’équipe adverse, ou lorsque tous leurs fers auront été joués. Il arrive souvent que l’équipe qui joue en second tente de débuter le fer de l’équipe adverse, c’est-à-dire de faire sortir ce fer du jeu en l’envoyant dans la rigole – ce qui lui fera perdre toute valeur – ou de l’écarter de la broche maîtresse. En effet, tout joueur expérimenté atteint forcément l’étaque, et il faut donc écarter son fer le plus vite possible pour espérer gagner. Lorsqu’une équipe réussit à placer son palet plus près de l’étaque que l’équipe ayant joué le coup d’avant, on appelle cela prendre le point. Dans une manche, lorsque tous les fers sont tombés dans la rigole, la manche est nulle et c’est à l’acquiteux, soit le joueur ayant démarré la manche précédente, de jouer. Attention, il est important de préciser que, contrairement à la pétanque, chaque joueur doit jouer ses deux fers d’affilée ; il n’est pas permis, par exemple, que l’acquiteux joue son premier fer, et que son équipier joue les siens à la suite de l’autre équipe avant qu’il n’ait joué son second fer.
En fin de manche, chaque fer placé plus proche de l’étaque que ceux de l’adversaire vaut deux points : cela signifie qu’une équipe peut marquer au minimum deux points par manche, et au maximum huit. Une partie se termine lorsqu’une équipe a atteint vingt-quatre points : ainsi, une partie de jeu de fer compte au minimum trois manches, et au maximum vingt-trois. Similairement à la pétanque, les points sont indiqués sur une planchette de bois accrochée au mur, appelée marquoir. Il est important de préciser qu’un fer ne peut être frappé qu’une seule fois, sans exception. Les paires peuvent changer l’acquit en cours de partie, c’est-à-dire modifier quel joueur de l’équipe débutera chaque manche. Cependant, l’équipe ouvrant une manche sera toujours celle ayant gagné la précédente.
Parfois, il est difficile de savoir quel fer se trouve le plus près de l’étaque. Il existe plusieurs moyens de trancher : les jeux les plus anciens possèdent une série de marques sur la table autour de l’étaque, permettant au joueur d’avoir des repères visuels afin de distinguer la distance des fers, mais la méthode la plus sûre, cependant, reste d’utiliser le compas. Si, en prenant la mesure en cours de manche, un fer se trouve à égalité avec un fer de l’adversaire, c’est le joueur qui a joué l’acquit lors de cette manche qui doit jouer le point. S’il n’y a plus de fers à jouer, alors les deux fers sont annulés et c’est à l’acquiteux de jouer le point.
Une partie de jeu de fer requiert donc de l’adresse et de la réflexion de la part des joueurs : c’est un jeu technique, demandant d’élaborer différentes tactiques, et possédant son propre vocabulaire.
En ce qui concerne les chiffres, les tournois entre sociétés ont compté 90 équipes inscrites pour la saison 2024-2025 ; 248 joueurs ont participé au grand tournoi de la Halle-aux-Draps, soit 124 équipes ; le championnat de division de 2024, lui, a vu participer 27 équipes. Enfin, aujourd’hui, il existe encore seize sociétés de jeu de fer actives à Tournai. 325 joueurs se sont fédérés en 2024-2025. Les joueurs se sont réunis pour le grand Tournoi de la Kermesse de septembre, les tournois inter-sociétés chaque week-end entre octobre et mars, le championnat de division les quatrième samedis d’octobre/novembre/janvier/février/mars et le troisième samedi de décembre – avec les finales au mois de mai –, le tournoi des as à la fin du 17 mai, et le tournoi des jeunes du 17 juin.
Dans le dossier complet, vous pourrez trouver un lexique, en français et en picard, des mots et expressions propres au jeu de fer.
- Pratiques sociales, fêtes
- Artisanat
- Traditions orales
L’apprentissage se fait en communauté, souvent d’abord par la famille et par les anciens joueurs. Beaucoup commencent à jouer dans leur jeunesse, en accompagnant leurs parents dans des cafés et en assistant à des parties de jeu de fer, et continuent dans l’âge adulte. L’apprentissage passe toujours par l’accompagnement par un joueur expérimenté. Par exemple, des tournois intergénérationnels sont organisés pour permettre aux plus jeunes de s’entraîner avec des anciens.
En dehors de l’initiation « classique » au jeu, il est aujourd’hui possible pour des personnes ne connaissant pas la pratique de s’y initier via les actions de valorisation menées par différentes institutions culturelles de la ville :
- Jeu disponible toute l’année au MuFIm, régulièrement utilisée lors de visites guidées réalisées par les guides de la ville ; cela permet aux enfants de découvrir le jeu
- Jeu mis à disposition des jeunes de la maison de jeunes Masure 14, en addition à la planche réservée pour les tournois
- Jeu détenu par la maison de la culture et régulièrement mis à disposition pour des initiations, notamment par l’atelier langue et culture régionales du CEC Imagine
- Jeu mis à disposition par le café de jeux traditionnels Au Dé Botté, permettant à un public plus large de découvrir le jeu soit par eux-mêmes, soit accompagnés par des joueurs expérimentés qui viennent régulièrement jouer eux-mêmes dans ce lieu
- Des évènements tels que la Nuit des Musées ou le Craft & Gaming mettent la pratique en avant en mettant une ou plusieurs tables à disposition d’un plus large public, avec un ou plusieurs joueurs expérimentés en tant que bénévoles pour guider les personnes la découvrant
Personnes / organisations impliquées dans la transmission :
Comité et Fédération de jeu de fer tournaisiens, Musée de Folklore et des Imaginaires (MuFIm), écoles, maison de jeune Masure 14, sociétés de jeu de fer, atelier langue et culture régionales du CEC Imagine (Maison de la Culture de Tournai)
Le MuFIm laisse un jeu de fer accessible sous la responsabilité du personnel d’accueil pour ses visiteurs, disponible toute l’année lors des horaires d’ouverture du musée, afin d’éveiller leur intérêt pour la pratique, et cela depuis 2021 ; de plus, le personnel d’accueil a été formé pour initier les visiteurs désirant essayer. Lors de la Nuit des Musées, il organise également des initiations avec l’aide de joueurs bénévoles. Dans le cadre d’un projet ponctuel Atelier de PCI (FWB), le Musée a également engagé une chargée de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel afin d’élaborer un dossier de recherches scientifiques et complet sur la pratique, qui mènera à l’élaboration d’une exposition en octobre, accompagnée d’une publication illustrée. L’exposition sera conceptualisée de manière à pouvoir être itinérante, afin d’exporter le jeu de fer dans d’autres institutions et hors Tournai. Ce travail de recherche a permis de renforcer les liens entre les joueurs et le musée, ceux-ci contribuant à la relecture des supports, à la création (projet photographique) et à la documentation.
Le Comité se charge, lui, de la sauvegarde du patrimoine mobilier lié à la pratique, en s’assurant du bon transport des jeux pour les évènements, et en les entretenant comme il se doit (cirage deux fois par an, nettoyage avant chaque évènement, etc.) Il permet également aux joueurs, fédérés ou non, de se réunir chaque année autour du Tournoi.
Michel Merchez (président de la Fédération de jeu de fer) et l’Etap’Atelier ont également formé des adultes en réinsertion à la construction de jeux de fer, s’assurant que les compétences nécessaires à cette construction ne se perdent pas.
Actions de valorisation à signaler
Le café Au Vieux Tournay organise depuis 2022 un championnat de jeu de fer en plein air au mois de juillet, afin d’éveiller l’intérêt des passants et clients non-initiés pour le jeu.
Régulièrement depuis 1981 (aujourd’hui environ tous les trois ans), la ville de Tournai organise les Tournaisiades, un évènement dédié aux jeux folkloriques locaux et régionaux, durant lequel est organisé le grand Tournoi annuel de jeu de fer ; cela permet de faire connaître le jeu de fer aux autres communautés des jeux folkloriques et aux visiteurs de passage.
Le café Au Dé Botté propose régulièrement des initiations à ses clients et organise des petits tournois non-officiels pour les joueurs occasionnels.
La Maison de la Culture met à disposition une table de jeu de fer à son bar, laissant ses visiteurs s’y initier. L’atelier Langue et culture régionales du CEC Imagine de la Maison de la Culture propose notamment des initiations de manière régulière pour ses membres, ou à l’occasion d’évènements de la Maison de la Culture.
La maison de jeunes Masure 14 mets également à disposition une table pour ses jeunes – adaptée à leur taille –, en plus de la table de son bar utilisée dans le cadre des tournois.
La Haute École en Hainaut (HEH) a, en 2023-2024, installé un jeu de fer dans son internat et a organisé une initiation pour ses étudiants ; de même, l’Institut d'Enseignement Secondaire Provincial Paramédical de Tournai (IESPPT) a récemment organisé une initiation pour ses élèves.
Le Craft Beer and Gaming festival propose, depuis 2024, un stand « jeu de fer » avec des joueurs expérimentés sur place afin d’initier son public à la pratique, ou de lui laisser une chance hors cafés et hors tournois de s’y adonner.
Le jeu de fer est un jeu tournaisien, n’existant nulle part ailleurs. Lorsqu’il s’est exporté, c’était uniquement l’œuvre de Tournaisiens expatriés, et ces tentatives ne leur ont pas survécu. Des jeux similaires ont existé à travers l’histoire, notamment en France, mais seul le jeu de fer est encore pratiqué activement à ce jour. Le jeu de fer est considéré, et cela même par les tournaisiens ne s’adonnant pas à la pratique, comme un élément faisant partie intégrante de la culture populaire de tournai, et est un véritable marqueur identitaire pour les joueurs. La pratique est tellement liée à Tournai que les différents documents la décrivant la nomment toujours « jeu de fer tournaisien », et que l’iconographie s’étant développée autour d’elle inclut d’autres éléments emblématiques de Tournai, comme la fleur de lys, reprise sur le blason officiel du jeu de fer.
Si le schuiftafel, lui, est très proche du jeu de fer, il comporte quand-même des différences, notamment en ce qui concerne la popularité de la pratique, qui est restée bien moins développée que celle du jeu de fer, menant malheureusement à sa quasi extinction aujourd’hui. S’il n’est pas impossible que les deux pratiques soient liées, voire que le schuiftafel soit apparu le premier avant de s’exporter à Tournai et de se développer à part dans la ville, il reste évident que la pratique tournaisienne s’est détachée de la flamande pour créer son propre règlement, son propre vocabulaire, et sa propre organisation.
De plus, avec le développement d’un vocabulaire particulier dans le dialecte local, le sentiment d’identité tournaisienne a été encore renforcé. Certaines sociétés de jeu de fer sont très anciennes (la plus ancienne recensée étant Les Agréables autant que Silencieux, fondée en 1923) et prennent place dans des cafés locaux emblématiques de la ville, ayant été fondés il y a des décennies.
Dialogue intergénérationnel
L’apprentissage du jeu de fer se fait uniquement de manière intergénérationnelle, les nouveaux joueurs se formant auprès de joueurs confirmés, souvent plus âgés. Le MuFIm joue également un rôle dans la transmission, en laissant une place à l’initiation au jeu de fer lors des visites guidées pour les groupes scolaires et autres visites guidées thématiques. Le Comité remet un « prix des jeunes » chaque année lors du grand tournoi, afin d’encourager les joueurs de moins de seize ans.
Cependant, puisque le jeu de fer est un jeu né dans les cafés, il est aujourd’hui difficile d’atteindre les plus jeunes générations. Selon les joueurs rencontrés, la publication d’un dépliant sur la pratique, qui pourrait être placé dans de nombreux endroits stratégiques de la ville (musées, bibliothèques, écoles – notamment Don Bosco ou Saint-Luc, proposant des formations en ébénisterie, afin de faire naître un intérêt auprès de potentiels futurs fabricants -, la Maison de la Culture, l’office du tourisme, etc.) serait donc un excellent moyen d’atteindre les plus jeunes dans des endroits qui leurs sont plus accessibles. Il serait également idéal que des formations au jeu de fer soient proposés dans des centres sportifs ou des centres de vacances, ou dans des lieux adaptés comme Masure 14. À la suite de l’exposition du MuFIM sur le jeu de fer, une communication pourrait être mise en place auprès des écoles afin de faire voyager l’exposition, accompagnée d’un dossier pédagogique adapté aux demandes des professeurs.
Dialogue multiculturel
Une tentative de contact a été mise en place avec la Koninklijke Maatschappij Sint-Dorothea, mais aucune réponse n’a été reçue. Il est possible, puisqu’aucun championnat n’a été organisé depuis 2022, que celle-ci n’existe plus aujourd’hui et que la pratique du schuiftafel soit presqu’éteinte.
Cependant, le jeu de fer étant l’un des nombreux jeux traditionnels de FWB, il est évident que cette pratique peut être mise en dialogue avec d’autres. Les joueurs sont d’ailleurs tout à fait ouverts à l’idée de faire partager le dépliant de vulgarisation qu’ils aimeraient mettre en place avec d’autres jeux régionaux, ce qui permettrait également des les distribuer lors des Tournaisiades, qui célèbrent les jeux traditionnels dans leur ensemble.
Egalité homme/femme
Les femmes ne participent réellement au jeu de fer que depuis les années 1990, où leur nombre est devenu significatif. Cependant, elles restent minoritaires, avec une moyenne tournant entre 50 et 75 femmes fédérées par an entre 2018 et aujourd’hui, contre une moyenne d’entre 300 et 365 joueurs fédérés en tout par an.
Afin d’encourager la participation des femmes, le grand tournoi est ouvert à tous les joueurs, incluant « jeunes, les moins jeunes, les hommes et les femmes » depuis 1975. De plus, le Comité offre un « prix des femmes » lors de ce tournoi, tandis que la Fédération offre également annuellement un cadeau à toutes les femmes fédérées. Enfin, le tournoi des as, organisé en fin de saison et reprenant tous les meilleurs joueurs de l’année, est aujourd’hui double : un tournoi classique (mixte), et un tournoi féminin. Cependant, certaines femmes participent aux deux, puisqu’elles font partie des meilleurs joueurs et font équipe avec un joueur masculin pour le tournoi classique, et qu’elles participent ensuite au tournoi entre les meilleures joueuses du classement.
Lutte contre le racisme et la xénophobie
Bien qu’elle ne soit pas activement antiraciste, la pratique du jeu de fer ne semble, ni dans les traces historiques, ni dans son actualité, véhiculer d’imaginaires racistes ou coloniaux (chansons, règlements, noms des sociétés…). Aujourd’hui, les féristes émettent le souhait de voir plus de monde s’intéresser à leur pratique, peu importe les origines ou la couleur de peau. Tournai n’est pas une ville très cosmopolite, et cela se reflète dans le jeu de fer également : 70,5% de la population d’origine étrangère est française, sachant que le total de la population étrangère s’élève à 12,8% ; cela signifie qu’il ne reste que 3,776% de population étrangère dont la culture est potentiellement très éloignée de celle du Hainaut. De plus, de nombreux tournaisiens de souche ne connaissent pas eux-mêmes la pratique, ou la connaisse simplement de nom, et elle reste en réalité assez méconnue dans la ville. Il n’existe donc pas aujourd’hui de grande variété culturelle dans la pratique du jeu de fer.
L’aspect identitaire du jeu de fer, réputé comme jeu « tournaisien », pourrait limiter l’attrait sur les populations issues de l’immigration ou tout simplement non-tournaisienne, qui pourraient se sentir d’une certaine manière « illégitimes », ou simplement non concernées. Afin d’ouvrir le jeu de fer à un public « hors Tournai », il faudrait réussir à le défaire en partie de son aspect très identitaire pour le rendre plus universel, mais cela pourrait également nuire à la pratique, risquant de la décontextualiser, par exemple en y introduisant une forte dimension touristique. Ce n’est donc pour le moment pas une priorité de la communauté des féristes qui, comme nous le disions, aimeraient commencer par accroître la popularité et la renommée de la pratique à Tournai même et ce auprès de la population dans sa diversité, sans distinction de classe, de genre ou d'origine. Augmenter l’attrait de cette pratique pour les personnes étrangères installées à Tournai relève également d’une évolution plus large de ce qui est entendu lorsqu’on évoque « l’identité tournaisienne ». Si cette question dépasse les contours de ce dossier, la diversification des joueurs de fer pourrait contribuer, à son échelle et de l’intérieur, à faire évoluer la façon dont les tournaisiens se définissent en tant que groupe social.
L’une des pistes serait donc, par exemple, d’intégrer l’initiation au jeu de fer dans les parcours d’éducation à la citoyenneté à même titre que l’on propose des animations aux écoles afin de permettre aux populations étrangères de découvrir le jeu.
Développement durable
Lors des tournois, puisque les sociétés ont leur centre de réunion dans des cafés, le jeu de fer fait vivre l’économie locale en amenant du monde dans les cafés locaux. De plus, lors du grand tournoi, les boissons et la nourriture sont achetées à des établissements locaux également.
Afin de rester accessible, les prix de participation restent très bas, ainsi que le prix d’affiliation à la Fédération : le prix de participation des tournois est de 3€/équipe, soit 1,50€/personne ; celui du tournoi individuel est de 2€/personne ; celui de l’affiliation est de 2,50€/joueur. Ces prix bas permettent à tout le monde de participer sans déception : même si un joueur est éliminé rapidement au cours des compétitions, il n’aura pas payé trop cher pour être là, et n’a donc pas de regrets par rapport à la somme dépensée.
En termes de développement durable, certains fabricants comme Stéphane Allard pratiquent l’upcycling lors de la fabrication d’un nouveau jeu de fer : cela leur permet non seulement de ne pas utiliser du bois nouvellement coupé, mais également de récupérer du bois de grande qualité de meubles anciens qui ne sont plus utilisés, travaillant de cette manière avec des essences qui sont aujourd’hui très rares (comme l’orme) ou d’une qualité qui n’existe plus.
La communauté patrimoniale se concentrera, dans les années à venir, pour sauvegarder le patrimoine sur :
- La production de supports écrits vulgarisant la pratique du jeu de fer afin de la rendre plus accessible
- Un renforcement des collaborations entre les communautés du jeu de fer et les institutions culturelles de la ville, principalement le MuFIm
- La diversification des lieux dans lesquels il est possible de s’adonner à la pratique
De plus, il est primordial de continuer à assurer une bonne entente avec les nouvelles autorités politiques de la ville, afin de s’assurer de leur soutien pour l’organisation du grand tournoi, qui ne peut se faire sans le soutien de la ville, notamment à travers la mise à disposition de la Halle aux Draps mais aussi au transport des jeux par les ouvriers communaux ; le maintien de leur intérêt pour la pratique est donc vital.
Contact
Le Musée de Folklore et des Imaginaires (MuFIm)
Réduit des Sions, 36 – 7500 Tournai
+32 (0)475 82 79 39
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