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Fiche



Le cramignon est une danse populaire propre au pays liégeois. Aux fêtes de paroisse, danseurs et danseuses, placés alternativement, forment une longue chaîne qui, sous la conduite d’un « meneur » se déroule, s’enroule et se promène à travers les rues, tout en répétant les couplets en wallon.

Cramignon

Toutes les informations sur Cramignon

Localisation géographique :

La Basse-Meuse liégeoise, de Liège à la frontière néerlandaise, principalement dans les communes de Bassenge, Blegny, Dalhem, Juprelle, Visé et Oupeye. Province de Liège

Communauté concernée :

Les 33 comités de fête des villages de la Basse-Meuse où le cramignon est encore dansé et toutes les personnes participant à ces cramignons.

Société ou groupe responsable :

Groupe de travail en vue de la reconnaissance, issu des comités de villages organisant le cramignon.

Le cramignon est une danse populaire, lors de laquelle les participants avancent en sautillant exécutée sur un chant en français ou en wallon, de structure bien précise, portant lui aussi le nom de cramignon.

Pour danser le cramignon, 2 éléments sont nécessaires :

  • une harmonie ou fanfare qui connaît les airs de cramignon ;
  • les couples qui composent et dansent le cramignon.

La danse

Le cramignon est une marche assez rapide, sautillante, sans pas particulier. Il est cependant plus facile de « cramignonner » en sautillant qu’en marchant. Danseurs et danseuses, placés alternativement, forment en se tenant par la main une longue chaîne ouverte, qui parcourt en zigzaguant les rues du village. La danse s’exécute sur un mouvement des pas redoublés.

Le meneur du cramignon, appelé le capitaine, tient un bouquet de fleurs dans la main gauche et est accompagné de sa cavalière, la fillette. Le dernier participant, appelé le lieutenant, tient un bouquet dans sa main droite afin de fermer la danse.

Les figures

Elles sont décidées par le capitaine, qui a le choix entre les figures suivantes :

  • le zigzag : le capitaine mène le cramignon en zigzaguant, ce qui n’empêche pas les couples suivants de créer eux-mêmes une boucle ;
  • l’avancée en même temps par le capitaine et le lieutenant, faisant l’aller et retour vers l’harmonie. Ce sont les autres couples qui zigzaguent et provoquent de folles courses ;
  • le portillon : sur signe du capitaine, le lieutenant et sa compagne lèvent les bras et tout le cramignon passe sous cette arche. Cette figure a presque disparu ;
  • la spirale : le capitaine fait une boucle vers la droite et rattrape le lieutenant. Il le dépasse à l’intérieur et continue à tourner en rond, jusqu’à être coincé au centre de la spirale. Il tourne alors à gauche et refait le chemin en sens inverse, détricotant littéralement la spirale. Cette figure n’est plus que rarement exécutée car elle est pratiquement impossible à réaliser avec un long cramignon ;
  • pendant l’exécution de l’air « la Pasquèye », le cramignon s’accroupit quand le rythme du chant ralentit. Quand le rythme accélère à nouveau, tout le cramignon saute, pendant que capitaine et lieutenant jettent leurs bouquets le plus haut possible, pour défier les capitaines et lieutenants adverses ;
  • lors de la rencontre avec le cramignon de la société adverse, le capitaine peut essayer d’encercler celui-ci, dont le capitaine fera alors tout pour briser l’encerclement ;
  • à la rentrée, le cramignon tourne en rond dans la salle. Il n’est pas rare de voir les participants tendre les bras au-dessus de la tête, surtout pour marquer la victoire sur l’autre société. Le capitaine et la fillette, ainsi que le lieutenant, seront aussi portés en triomphe.

Les sociétés de musique (fanfares ou harmonies)

Les fanfares et les harmonies sont indispensables au cramignon. Elles ont un rôle crucial, car ce sont elles qui décident de la succession des airs joués, airs que vont reprendre en chœur les participants au cramignon. Elles savent quels airs conviennent à quel comité. Ce sont aussi les fanfares qui mettent de l’ambiance lors des haltes en jouant des airs entraînants (airs de bandas, etc.). Les mêmes sociétés de musique peuvent jouer dans des villages différents.

La musique

Citons Yvan Dailly. « Rythmiquement, le cramignon a le caractère d’une marche légère et rapide, généralement conçue en 6/8 et qui évoque la tarentelle. Nombreux sont également les cramignons en 2/4, en C et en C barré. On peut dire que les cramignons ont toujours un rythme binaire. Le rythme a la primeur sur la mélodie : le ton ne dépasse presque jamais la quinte ou la sixte : la mélodie est simple et ne connaît que peu de décorations. L’alternance de strophe et de refrain (sur lesquels on marchait ou sautillait en alternance) est de même perceptible dans la mélodie ».

L’intérêt du 6/8 est d’obtenir un rythme tertiaire plus sautillant en opposition au rythme binaire plus carré. La base du rythme du cramignon, c’est une longue note (2/3 de mouvement) suivie d’une courte (1/3 de mouvement).

Un air de cramignon peut être répété à l’envie par l’harmonie, qui ainsi va souvent jouer le même chant entre deux haltes. A l’arrivée à la halte suivante, l’harmonie va brutalement accélérer le rythme pendant les 8 dernières mesures pour terminer le chant.

Les chants

Si les chants anciens parlaient d’amour, les chants plus récents (XXe siècle) sont des chants malicieux, destinés à doper le moral des membres d’une société en chantant ses louanges (Vîvent les Rodjes) ou en brocardant la société « ennemie » (Ah pov’ pitits Bleûs) de manière humoristique et dans le respect des autres. Les paroliers prennent prétexte d’un évènement, d’une élection disputée, d’une querelle pour laisser parler leur verve. Ces dernières décennies, ils placent généralement ces paroles sur des airs de cramignon connus mais sans paroles.

Les couleurs

Actuellement, il existe trois « partis » aux couleurs différentes : les Rouges, les Bleus et les Socialistes. Même si de nos jours, les membres ignorent souvent l’origine de leur parti et la signification des couleurs. On est davantage Rouge ou Bleu par tradition familiale ou par amitié que par conviction politique.

Le drapeau

Chaque société a aussi fait fabriquer un drapeau à ses couleurs, drapeau qui sera fièrement porté en tête de cortège et qui devra être manié avec beaucoup de dextérité (et de force) lors des rencontres, lors desquelles les porteurs vont rivaliser de dextérité et de force pour faire tournoyer leur drapeau. Les drapeaux ne peuvent en effet se toucher et toute atteinte au drapeau de l’autre société est considérée comme une déclaration de guerre.

La cocarde

Les cocardes sont très importantes, puisqu’elles disent à tout le monde à quelle société appartient le porteur ou à tout le moins quelle société il soutient. Elles se placent sur le revers gauche du veston, sur le cœur. La même boutonnière, ou l’autre, sera ornée d’une fleur, aux couleurs de la société quand la saison le permet. On recourt souvent à un œillet blanc, orné de gypsophile.

Les cocardes sont toujours fabriquées par des femmes, qui rivalisent chaque année d’imagination pour les rendre plus jolies. On y accroche ainsi parfois une ou deux « floches » (petites pampilles de rideau dorées ou argentées).

Aucun participant au cramignon ne peut sortir sans cocarde. La cocarde socialiste est rouge, celle des Bleus est bleue, mais celle des Rouges emprunte les trois couleurs de la Belgique.

Les habits

Dans certains villages (Hermalle et Haccourt principalement), les membres du comité louent ou achètent un smoking pour danser le cramignon. Il ne sera porté que lors du cramignon. Les autres hommes du cramignon portent le costume de ville (costume-cravate). Généralement, les jeunes filles et femmes mariées portent une longue robe avec jupon et leur tête est ornée d’un chignon, garni ou non d’une fleur. Ces robes font l’objet d’une attention toute particulière et peuvent être très chères. La jeune fille la prépare des semaines, voire des mois à l’avance, avec une couturière. Et c’est pour elle une grande fierté de se montrer au cramignon avec sa nouvelle robe. Robe qui sera peut-être encore portée plus tard, lors d’un cramignon dans un autre village, mais plus dans son village. L’année suivante, elle fera refaire une nouvelle robe.

Dans d’autres villages, on danse un cramignon plus populaire, en habits de tous les jours, même les jeunes filles.

Les grades et insignes

De l’ancienne organisation de la Jeunesse ont été conservés les grades et quelques signes distinctifs. Le meneur du cramignon s’appelle toujours « le Capitaine » (Il a même son chant : Li Capitinn’). La cavalière du Capitaine est « la fillette » (li fi(l)yète). Capitaine et fillette sont désignés, s’il y a plusieurs candidats, par tirage au sort ou vote ou consensus au sein du comité de la Jeunesse locale. Et ce, longtemps avant le cramignon, car ce sont eux qui vont être chargés de la préparation du cramignon. Pour être capitaine, lieutenant ou fillette, il faut avoir plus de 15 ans et être célibataire.

Le Capitaine porte souvent en bandoulière, de l’épaule gauche vers la hanche droite un ruban de la couleur du parti. Et dans la main gauche un bouquet en fleurs artificielles, dont la majorité des fleurs seront de la couleur du parti. Lequel bouquet sera lancé dans les airs en défi à l’autre capitaine, qui devra essayer de le lancer plus haut.

Ce lancer a souvent lieu pendant que la fanfare joue la fameuse pasquèye, chant lors duquel le cramignon s’accroupit pour se relever subitement. Le capitaine profite de ce mouvement pour propulser le bouquet vers le ciel.

Celui qui ferme la chaîne est « le lieutenant ». Il porte lui aussi un ruban en bandoulière, mais dans l'autre sens et un bouquet, mais bien logiquement, dans la main droite.

A la fin de la journée, le bouquet du capitaine devient la propriété de la fillette, qui le gardera en souvenir de cette journée unique. On n’est en effet capitaine et fillette qu’une seule fois avant le mariage, sauf si le Comité de la Jeunesse locale ne dispose pas d’assez de membres pour prendre le relai.

Etre désigné capitaine et fillette est un grand honneur, car ils vont devoir organiser la recherche des couples et porter bien haut les couleurs de la société pendant la fête.

Le cramignon des « vieux » ou des « mariés »

Outre le cramignon de la Jeunesse, il y a souvent le cramignons des « vieux », ou des « mariés », ceux qui ont dû quitter la Jeunesse, atteints par la limite d'âge ou pour cause de mariage. Ce cramignon est conduit, dès sa sortie, par le dernier marié en date. Et ce sera le capitaine du lundi qui sera lieutenant ce jour-là. S’il n’y a pas eu de mariage dans l’année écoulée, c’est le président ou un membre du comité qui sera le meneur.

Déroulement du cramignon

Le cramignon sort de la salle sur une marche jouée par l’harmonie, avec en tête le Capitaine et la Fillette et en queue de cramignon, le lieutenant et sa cavalière.

Dans la vallée du Geer, le cortège du cramignon est directement suivi de la « tête de musique », c’est-à-dire, le porte-drapeau suivi des membres masculins de la Société et de l’harmonie. Viennent enfin tous les sympathisants de la société.

Dans la vallée de la Meuse, c’est la tête de musique qui mène le cortège, suivie de l’harmonie et du cramignon, du moins pendant le défilé. Dès que le cramignon commence, il prend la tête du cortège, comme en vallée du Geer.

La victoire

Le nombre de couples est une donnée très importante de la tradition. Car la société dont le cramignon compte le plus de couples gagne la fête et a le droit de se moquer gentillement de la société rivale au son des airs « Nous sommes les vainqueurs » ou « Kén’ daye ! » (Quelle défaite!).

Pour savoir qui remporte la victoire, un photographe prend une photo de tous les couples et c'est lui qui annonce le nombre (inscrit sur son appareil), qui est communiqué au photographe officiant dans l'autre « parti ».

Pour essayer d’être ce vainqueur, les comités des Jeunes des Rouges et des Bleus vont commencer la recherche de couples un à deux mois avant la fête paroissiale. Plusieurs soirées par semaine, les comités se réunissent dans leurs salles et envoient leurs membres dans les familles du village et des villages avoisinants, à la recherche de jeunes gens et jeunes filles disposés à participer au cramignon. C’est ici qu’interviennent les amitiés nouées entre membres des comités des jeunes des différents villages de la Basse-Meuse. Ce qui explique pourquoi les jeunes ne participent pas seulement au cramignon au sein de leur société, mais dans beaucoup de villages avoisinants.

La difficulté de la recherche consiste bien sûr à former des couples avec les jeunes célibataires, à faire en sorte qu’ils acceptent de « cramignonner » ensemble alors qu’ils ne se connaissent pas. Parfois des romances naissent de ces couples impromptus.

La rentrée

Une fois à l’intérieur de sa salle, le cramignon tourne en boucle, au son de l’air de la société, pendant que capitaine, fillette et parfois lieutenant sont portés en triomphe.

La fanfare met fin au cramignon en interprétant le « Valeureux Liégeois » ou le Chant des Wallons et termine par une vibrante Brabançonne chez les Rouges et les Bleus, par l’Internationale chez les Socialistes. Le comité des Jeunes monte alors sur la scène et remercie tous les participants, avant de les inviter à revenir le lendemain au cramignon « des vieux » ou l’année suivante.

Rivalités

Les personnes n’habitant pas ces vallées peuvent trouver incongrues, au XXIe siècle, ces rivalités politico-folkloriques entre ces « partis » de couleur. Mais sans ces rivalités, les cramignons disparaîtraient ce qui est arrivé dans plusieurs villages où leur organisation n’était due qu’à une Jeunesse unie ou un seul comité.

Les rencontres

A Haccourt et Hermalle, chaque cramignon se termine par la rencontre des deux (auparavant trois) cramignons à un endroit convenu, pour que la foule puisse admirer le spectacle des harmonies s’affrontant en une joute musicale assez impressionnante, aussi appelée « La Daye » par erreur.

Sommet de la journée, ces rencontres étaient autrefois des moments très tendus, les bagarres rangées n’étant pas rares. Aujourd’hui, mis à part des incidents isolés, seul le folklore a droit de cité. Si les participants défendent ici fièrement leurs couleurs, que dire des musiciens qui vont tout faire pour ne pas « crouler », c’est-à-dire être forcés de jouer l’air de l’autre fanfare. De là, le rôle très important des petite et grosse caisses, qui tiennent toute la fanfare dans leurs mains. Si les caisses perdent le rythme, on peut être sûr que l’harmonie va souffrir beaucoup et probablement déjouer. Car les cuivres, qui sont alors placés en front d’harmonie, soufflent le plus fort possible pour déstabiliser les cuivres adverses.

Un autre personnage prend ici toute sa valeur : le porteur du drapeau. Rôle ingrat s’il en est, il a repris de l’importance ces dernières années, à cause justement de ces rencontres. Il est en effet très important que, pendant la joute musicale, le drapeau virevolte tant et plus autour des têtes, qu’il soit porté le plus haut possible et soit ainsi le plus visible possible. Ce qui exige une grosse dépense d’énergie.

Pour mettre fin à une rencontre, les délégués vont simplement s’entendre et chaque cramignon rentre dans sa salle ou continue sa route. Ou c’est le premier comité qui estime que le jeu a assez duré qui rentre dans sa salle, sous les quolibets de l’autre fanfare. C’est souvent la société qui a perdu les cramignons au nombre de couples qui va tout faire pour gagner la joute finale, histoire de ne pas avoir tout perdu... A Hermalle, tout est organisé et l’alternance est de rigueur. Un lundi, les Rouges bloquent les Bleus et on inverse les rôles le lendemain et l’année suivante.

Contexte du cramignon

Le cramignon est, de nos jours, dansé lors du week-end de la fête du saint patron local, en d’autres termes lors de la kermesse. Dans les petits villages de la Basse-Meuse, il n’y a plus beaucoup de fêtes foraines. Elles n’existent plus que dans quelques gros villages, comme Hermalle, Haccourt, Roclenge ou Glons.

Pendant ou après le cramignon, diverses activités peuvent prendre place, telles que la décapitation de l’oie et/ou un grand feu qui clôture les festivités.

  • Pratiques sociales, fêtes

Le cramignon est encore bien vivant, mais uniquement dans la Basse-Meuse et dans le Sud Limbourg néerlandais. Il se transmet de génération en génération, les enfants apprenant à le danser et à le chanter en suivant le cramignon de leurs aînés avec leurs parents ou en participant à un cramignon des enfants, de plus en plus fréquent comme celui du Cercle à Haccourt, organisé depuis 1983.

Chaque comité organisateur de cramignons espère que la jeunesse continuera à reprendre le flambeau. C'est pour cette raison que les cramignons pour enfants ont été créés, afin de leur inoculer le virus. Ces cramignons ont lieu soit au même moment que les cramignons pour adultes, les enfants dansant leur cramignon de l'autre côté de l'harmonie (à Eben, Lanaye, Saint-Remy, etc.), soit un autre jour (à Haccourt, le dimanche qui précède les cramignons pour adultes). Ces cramignons sont bien sûr entourés par des adultes pour la sécurité. Ces adultes leur apprennent aussi les chants et la façon de danser.

Un livre a été écrit par un membre de ces comités, A. Dethise, afin de rassembler et décrire tous les éléments du cramignon et de les pérenniser autrement que par la seule transmission orale (description, partitions des airs, paroles des chants, etc.). De moins en moins de jeunes connaissent en effet encore les paroles des chants.

Un projet est toujours en cours. Il s'agit d'enregistrer dans un studio professionnel les airs de tous les cramignons repris dans le livre et d'ensuite faire chanter les paroles sur ces airs. En effet, il ne suffit pas d'avoir la partition et les paroles pour pouvoir les assembler. Seule la tradition orale le permet. Un chef d’harmonie a accepté le rôle de collecter toutes les partitions nécessaires : il en a déjà réuni plus de 20, mais il lui reste du travail. Il restera alors à rassembler une quinzaine de très bons musiciens, à enregistrer les airs et enfin, de réunir une chorale et de lui apprendre tous les chants avant de les enregistrer sur la musique prérenregistrée.

Un autre projet est en cours de création par un étudiant en informatique. Il s’agit de la création d’un site officiel des cramignons de la Basse-Meuse et d’une application « Cramignon ». Il consiste à rassembler les différents éléments liés à ces festivités, par exemple :

  • la date des différents cramignons ;
  • la possibilité de visualiser les photos des événements ;
  • les différents lieux de confection de robes et/ou de costumes, accessoires, tissus,... ;
  • des échanges sous forme de chat entre les « cramignonneurs » ;
  • la possibilité de noter les événements de la région, mais dans un esprit critique constructif dans le but d'améliorer l'événement en question ;
  • une liste de sponsors potentiels.

La zone de répartition du cramignon a fortement régressé au XXème siècle, au début duquel le cramignon était dansé dans toute la province de Liège et même au-delà. De nos jours, on ne le danse plus qu'en Basse-Meuse liégeoise et dans le sud du Limbourg néerlandais. Et en Basse-Meuse même, la situation fluctue d'un village à l'autre. Dans l'un, le cramignon est à nouveau organisé, dans l'autre, il ne se danse plus, faute de combattants.

Les menaces sont multiples:

  1. La dénatalité a pour conséquence l'absence d'une jeunesse en nombre suffisant pour organiser le cramignon.
  2. La population des villages change. Auparavant, moins de gens déménageaient. De nos jours, la population n'est plus composée que d'une faible minorité de gens du cru, 70 % provenant de villes ou villages où le cramignon n’est plus dansé depuis longtemps ou n’a jamais été dansé. N’ayant jamais connu le cramignon, ces nouveaux habitants s'impliquent malheureusement très rarement dans le folklore local, malgré les efforts des comités qui les invitent souvent avant la fête à les rejoindre, par le biais de toutes-boîtes ou de lettres qui leur sont personnellement adressées.
  3. La lente, mais inéluctable, disparition du wallon dans nos villages. Rares sont ceux qui peuvent encore le lire, d'où la difficulté de transmettre les paroles des chants sans les déformer. Plus rares encore sont ceux qui peuvent l'écrire, d'où la rareté des nouvelles paroles écrites sur des airs connus, ce qui était une caractériqtique du cramignon jusqu'il y a quelques dizaines d'années.

Pour contrer ces menaces, il n’y a pas beaucoup de moyens, la responsabilité de chaque cramignon dépendant des villages bassimosans. Sa sauvegarde ne peut donc être l'œuvre que de ces comités de village. Tant que leur dynamisme survivra aux menaces décrites ci-dessus, le cramignon survivra. Le Cramignon reste encore bien vivant, même si plus rare.

De nombreux comités invitent d’ailleurs les comités des autres villages à prendre part à leurs festivités, en leur demandant soit de participer à un vin d'honneur le premier jour de la kermesse, soit en invitant leurs membres à danser le cramignon.

Les contacts entre les comités se sont multipliés en 2018 en vue de la reconnaissance du cramignon en tant que Chef-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel de la FWB, ce qui contribue à renforcer le sentiment d'appartenir à une même communauté. Des relations se sont même nouées avec les voisins néerlandais et des délégations belges ont été reçues lors des cramignons d’Eijsden et de Mheer entre autres. Certains comités belges ont marqué leur accord pour recevoir en retour des délégations limbourgeoises.

Une grande fête du cramignon a été par ailleurs programmée en mai 2019 à Eijsden, avec la réciproque en Basse Meuse plus tard en 2019, dans le but de nouer des relations qui pourraient se révéler importantes, car les deux communautés, belge et néerlandaise, envisagent de joindre leurs efforts pour que le cramignon soit reconnu par l'UNESCO.

Un groupe Facebook a également été créé en novembre 2018 sous l’intitulé « Le cramignon en Basse-Meuse », afin que tous les comités puissent y placer leurs remarques, suggestions, expériences (positives et négatives en vue de redynamiser le cramignon dans leur village), etc., afin que chacun en profite.

Un chansonnier, tiré du livre de M. Dethise et reprenant les chants les plus joués par les harmonies, a été publié en avril 2019. Il est imprimé dans le format poche pour que les participants puissent l’avoir sur eux pendant le cramignon, ce qui n’est pas possible avec le livre (qui est en format A4). Les participants aux cramignons pourront ainsi le consulter pendant les haltes en attendant d’apprendre par cœur les chansons.

Enfin, le Musée de Visé a accepté de servir de centre d’archives online, en créant une Dropbox, vers laquelle chacun pourra transférer ses photos, vidéos ou tout autre document, informatique ou pas, afin de créer un lieu de références, où tout un chacun pourra avoir accès à ces archives.

Les détenteurs du cramignon sont les différents comités villageois qui les organisent ainsi que toutes les personnes qui participent de près ou de loin au cramignon. Les comités représentent en ce sens les habitants du village et ces habitants reconnaissent donc le cramignon comme faisant partie de leur patrimoine culturel et festif. Quand ils ne participent pas eux-mêmes au cramignon, ils le suivent en famille et/ou organisent des haltes lors desquelles les participants et la fanfare pourront se désaltérer. Tout ceci contribue à créer un sentiment d'appartenance à la communauté villageoise. Comme écrit plus haut, il est hélas de plus en plus fréquent que les nouveaux habitants de ces villages, venus de villages où le cramignon n'existe plus depuis longtemps, ne s'impliquent pas dans la vie de ces comités.

Dialogue intergénérationnel :

Le cramignon est dansé par des personnes de tout âge. Les enfants, jusqu'à plus ou moins 15 ans, participent à leurs propres cramignons, qui suivent le cramignon de leurs aînés. A partir de 15 ans, les jeunes font partie de la jeunesse qui organise le cramignon et après leur mariage, les gens participent, tant que leur santé le permet, aux cramignons des « vieux » ou des « mariés ».

Dialogue multiculturel :

Il va de soi que le cramignon, par son aspect festif, est ouvert à toutes les personnes en âge de le pratiquer, quelle que soit leur culture, leurs origines ou leur religion. Le cramignon reflète donc bien la diversité existant dans les villages où on le pratique encore. Vu la liberté de participation, de nombreux immigrés ont déjà intégrés le cramignon.

Développement durable (environnement, santé, économie inclusive, etc.) :

Les comités organisant les cramignons étant organisés en asbl, tous les bénéfices générés par le cramignon, quand il y en a, sont automatiquement réinjectés dans la survivance de celui-ci. Bien souvent, les comités doivent organiser d'autres activités pour financer la kermesse et donc le cramignon. Il est vrai, que lors des haltes, des boissons de toutes sortes (softs et boissons alcoolisées comme de la bière et du peket) sont offertes aux participants et aux spectateurs, mais leur consommation reste dans les limites raisonnables. Pour preuve, il n'est jamais fait appel à la police pour des faits d'alcoolisme. Quant à l'environnement, il n'est pas impacté par le cramignon, celui-ci ne laissant aucune trace derrière lui, une fois que tout a été ramassé par les responsables.

Diversité et créativité humaine :

Les chefs d'harmonie écrivent de nouveaux airs ou adaptent des airs connus au rythme de la danse. Ces airs seront répétés par l’harmonie et joués pour la première fois lors du premier cramignon joué par cette harmonie. Ces airs ne sont généralement pas pourvus de paroles et c'est là qu'intervient la créativité des membres des comités. Ceux-ci écrivent alors des paroles, en français ou en wallon, sur ces airs, chantant l'amour ou, plus souvent, brocardant la société concurrente du village de manière humoristique et toujours dans le respect des autres.

Même si le cramignon est encore bien vivant, il est tout de même menacé. Le processus de la reconnaissance en lui-même a permis de réunir et d’impliquer les différents comités villageois, qui participeront aux autres activités programmées par le groupe de travail.

Une reconnaissance permet aussi de valoriser le cramignon auprès des collectivités locales qui prendraient ainsi conscience de son importance, et ainsi de le pérenniser. Elle donnerait aussi plus de visibilité aux kermesses de la Basse-Meuse, attirant ainsi un nouveau public, extérieur à la Basse-Meuse, ce qui encouragerait les comités dans leurs efforts pour maintenir la tradition.

Références bibliographiques :

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Alain Dethise


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