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Fiche



La première mention de la « grande procession » à Soignies est donnée, en 1262. Depuis plus de 750 ans, chaque lundi de Pentecôte, les habitants de Soignies perpétuent la pratique de porter la châsse de saint Vincent en procession autour de la ville.

Tour Saint Vincent de Soignies

Toutes les informations sur Tour Saint Vincent de Soignies

Localisation :

SOIGNIES, Province du Hainaut

Communauté concernée :

  • Les associations impliquées activement dans l’organisation, la préservation et la valorisation du Grand Tour : la confrérie Saint-Vincent, le comité de la Procession historique, le musée du Chapitre attaché à la collégiale Saint-Vincent, la Fabrique d’église Saint-Vincent, l’asbl Œuvres de la Confrérie Saint-Vincent ;
  • Les habitants de Soignies et les anciens Sonégiens ; les riverains du Tour et de la Procession ; les nombreux figurants et les spectateurs de la Procession historique ; les pèlerins extérieurs ;
  • Les acteurs impliqués ponctuellement dans l’événement : les chorales et groupes musicaux ; les paroisses de l’entité de Soignies ; les autorités civiles et religieuses.

Société(s) ou groupe(s) responsable(s) :

CONFRÉRIE SAINT-VINCENT

COMITÉ DE LA PROCESSION HISTORIQUE DU TOUR SAINT-VINCENT ASBL

ŒUVRES DE LA CONFRÉRIE SAINT-VINCENT ASBL

FABRIQUE D’ÉGLISE SAINT-VINCENT

MUSÉE DU CHAPITRE ASBL

Le Grand Tour du lundi de Pentecôte – plus souvent appelée jadis « Grande Procession » – s’accompagne de divers préparatifs qui font partie intégrante de l’événement et se décline, à partir de l’Ascension jusqu’au mardi de la Pentecôte, en plusieurs temps marqués par une tradition en évolution, à laquelle la Confrérie Saint-Vincent est intimement liée depuis 1599 et le Comité de la Procession historique depuis 1921.

  1. Un prélude au grand Tour : le petit Tour de l’Ascension. Depuis le Moyen Age, l’Ascension a constitué un temps fort à Soignies, à la fois religieux (octroi d’indulgences) et économique (foire). Aujourd’hui, la descente de la châsse - le mercredi soir et non plus le jeudi matin - en vue de son processionnement autour de la collégiale est aussi une sorte de « répétition générale » et un moment de remobilisation pour les confrères. Il prend place entre un office solennel et la 1ère assemblée générale de l’année pour la Confrérie, qui accueille les nouveaux membres parrainés.
  2. Une tradition conviviale : le souper au jambon. Le même soir, après le « petit Tour », la remontée de la châsse et leur assemblée générale, les confrères se rassemblent au Cercle Saint-Vincent pour un repas frugal, fait de pain et de jambon à la moutarde. Sous l’Ancien Régime, époque où la confrérie était plus sélective quantitativement (32 membres) et socialement (en raison d’un important « droit d’entrée » et d’une contribution aux frais), le banquet qui rassemblait les membres était, d’après les mentions comptables, un véritable festin. Aujourd’hui, c’est un moment de retrouvailles ponctué de discours, de chansons populaires et d’échange d’informations. Des femmes « consoeurs » y participent depuis le milieu des années 1950.
  3. Le grand pavois de la collégiale : l’expression d’une ville en fête. La sortie des « caleçons de saint Vincent » marque visuellement le début de la « Pentecôte sonégienne », le samedi veille de Pentecôte, à midi. Une corde à laquelle sont pendus des oriflammes est tendue entre les deux tours de la collégiale qui donnent à l’édifice sa silhouette reconnaissable entre toutes. C’est en quelque sorte l’expression monumentale, depuis 1921, du pavoisement de la cité auquel les habitants étaient et sont toujours invités à participer en signe de fête. L’installation, plus périlleuse, du grand pavois est confiée à une famille sonégienne de couvreurs, qui se relaient de père en fils depuis l’origine de la tradition. Elle est suivie attentivement par les habitants rassemblés sur la Grand’Place, dont les pavés renforcent le caractère authentique et austère de la collégiale. Depuis peu, la traditionnelle sortie du pavois s’est étoffée : escorte de la statue de saint Vincent du collège à la collégiale, cérémonie dans le chœur en présence des autorités civiles, discours officiels sur la place, roulements de tambour et chants traditionnels (dont le célèbre chant wallon des Cayoteux), lesquels sont suivis d’invitations à prendre l’apéritif dans le quartier de la collégiale. 
  4. Le Tour à Foyas : la préparation rituelle du parcours. Le même samedi, vers 17h, des confrères partent « faire le tour » entre eux, pour orner les chapelles qui jalonnent le parcours de branchages de hêtre, les foyas en wallon, et ainsi baliser visuellement l’itinéraire. C’est là une tradition multiséculaire, qui remonte à l’époque où il était nécessaire de vérifier la praticabilité de l’itinéraire traditionnel et de procéder à d’éventuels débroussaillages et réparations des chemins. Le retour au Cercle Saint-Vincent se fait avant 2h du matin.
  5. La messe des confrères : à l’aube du « grand lundi ». Vers 4h du matin, les confrères se donnent rendez-vous devant la collégiale « pour aller chercher le maître » chez lui s’il habite intra-muros (ce qui devient rare) ou à l’emplacement de l’ancienne porte de la ville la plus proche de son domicile. Après un échange de signes de confraternité chaleureuse, l’escorte rejoint le chœur de la collégiale, sous la conduite du drapeau de la confrérie et au seul son d’une caisse claire. La messe des confrères est un office particulier et unique dans l’année, avec des aspects d’allure archaïque. Elle se dit à partir du Tombeau, soit au pied même de la grande châsse, dans la chapelle haute qui s’ouvre au milieu du maître-autel depuis le réaménagement du chœur dans l’esprit baroque au XVIIe siècle.
  6. La messe des pèlerins et la descente de la châsse. Après la « messe basse », les confrères quittent la collégiale pour le Cercle Saint-Vincent, où ils prennent le « viatique », soit un verre de pècket, ainsi que, plus récemment, un petit déjeuner. Pendant ce temps, des pèlerins assistent à la messe solennelle de 5h, office chanté celui-là. Le répertoire de cet office est demeuré sensiblement le même depuis 1935. A l’issue de celui-ci, en présence et avec les confrères de retour au chœur, la descente de la grande châsse s’opère grâce à un ingénieux mécanisme et une scénographie hérités tous deux de l’époque baroque, au rythme lancinant de la litanie des saints.
  7. Le départ du Grand Tour vers le Faubourg d’Enghien : évolution de la tradition. A 6h, la grande châsse est prise sur les épaules par huit confrères, les autres se massant autour d’elle pour faire escorte. Les autres reliquaires – le Chef de saint Vincent (tête) ainsi que les châsses de sainte Waudru , saint Landry et sainte Madelberte (respectivement épouse, fils aîné et fille) – sortent les premiers de la collégiale. Le chant traditionnel « Célébrons par nos accents / saint Vincent notre modèle » donne d’emblée un ton religieux au Grand Tour de Soignies. Les pèlerins qui attendent dans la nef, aux abords de la collégiale ou sur le parcours même se joignent à la suite sans protocole particulier. Sous l’ancien régime, c’était un véritable cortège, entre solennité et parade, qui accompagnait les châsses jusqu’en haut du Faubourg d’Enghien. Se succédaient, selon un ordre hiérarchique minutieusement réglé, tous les corps constitués, civils et religieux, de la ville : magistrats communaux, confréries militaires et religieuses, corporations, communautés conventuelles et chapitre de la collégiale. Au XIXe siècle, c’était toujours un cortège haut en couleur, avec musiciens, cavaliers (« les saudarts del’ Pintcoute »), groupes costumés avec statues de saints et bannières, etc. Cette tonalité plus « spectaculaire » se retrouve à certains égards dans la Procession historique, mais de manière plus sobre et plus structurée. Subsistent de l’ancienne formule, jugée trop folklorique après la Première Guerre Mondiale, les jeunes tambours et le porte-drapeau à cheval de la confrérie, pour ouvrir la marche, et « l’homme de fer », cavalier en armure, pour la fermer.
  8. Les racines territoriales de la tradition et le balisage de l’itinéraire par les chapelles. La première halte-chapelle était naguère le lieu de départ ritualisé du Tour proprement dit, où les chanoines confiaient la châsse aux habitants. Il devait y avoir là une barrière (comme le rappelle le nom de l’ancienne « Cense del Baille ») qui marquait la sortie de la ville urbanisée après le Faubourg d’Enghien. Car l’itinéraire que suit le Tour depuis ses origines au XIIIe siècle est bien affaire de territoire, ce qui n’est écrit nulle part mais s’est déduit il y a peu des études ayant croisé l’acte de 1262, l’éclairage anthropologique sur les processions giratoires et la cartographie ancienne. Le circuit du Tour, jalonné de chapelles, enserre et protège l’espace de la franchise, où la communauté des habitants jouit, dans l’intra-muros élargi à sa « banlieue », de droits octroyés en 1142 par une charte-loi. Les écarts par rapport au circuit du XVIIIe siècle s’expliquent par des changements topographiques ou le développement du quartier des Carrières en lien avec l’exploitation de la pierre bleue.
  9. La halte séculaire au Marais Tillériaux : le panégyrique de saint Vincent. Vers 7h15 du matin, la halte au Marais Tillériaux, une prairie arborée où s’élève une élégante chapelle de 1618, est un des points forts du Grand Tour. L’endroit est suffisamment vaste pour y accueillir une foule. C’est là que s’écoute le panégyrique de saint Vincent, un prêche qui évoque la vie du saint et en souligne l’actualité comme source d’inspiration. La halte au lieu-dit Tilleriau (lieu planté de tilleuls, jadis en dehors de l’intra-muros) est signalée à plusieurs reprises dans les archives dès le XVe siècle et est donc peut-être liée au Tour depuis ses origines. C’est le chanoine Jean Bastien qui, au début du XVIIe siècle, fait construire et équiper cette chapelle Renaissance à ses frais. Le même prend l’initiative d’édifier 15 chapelettes « à l’entour du tour Saint-Vincent » et d’y associer une rente pour leur entretien par la confrérie. Une reconstruction des édicules est programmée à la fin du XVIIIe siècle, dont ne subsistent que quelques rares spécimen ; les autres, plus tardifs, sont généralement le fruit d’initiatives privées. Au sein de cette collection d’expressions de la foi populaire émerge la chapelle du Bon Dieu de Giblot, petit édifice de 1708.
  10. L’intégration de la paroisse de Soignies-Carrières au début du XXe siècle. L’érection, vers 1904, d’une paroisse au quartier des Carrières qui se développe avec l’exploitation de la pierre bleue, va modifier sensiblement le déroulement du Tour en ces lieux. Si le Grand Tour traversait déjà le « hameau des Carrières » par des chemins purement champêtres, la halte à l’église de l’Immaculée Conception (1907) va progressivement s’allonger et s’étoffer, avec une implication spécifique des habitants du quartier. Aujourd’hui, une pause de près d’une heure y est prévue pour un office en présence des reliques tandis que de nombreux pèlerins sont invités à partager le petit-déjeuner chez des connaissances. La procession reprend et se poursuit le long des chemins Tour Petit-Château et Tour Bras-de-Fer puis Chemin du Tour.
  11. La procession historique : le retour solennel des reliques à la collégiale. A l’époque moderne, le cortège qui avait escorté les reliques le matin jusqu’au point de départ du Tour se reconstituait pour le retour. Depuis la disparition des chanoines, le cortège se distinguait entre une partie religieuse, avec statues de saints, dais et bannières, et une partie civile, avec l’Homme de Fer et une escorte militaire, des sociétés de musique et une cavalcade nombreuse. A la fin du XIXe siècle, se fait jour le souci d’un recentrement sur la figure du « père » de la cité et d’une contextualisation historique, une manière aussi de contenir certains débordements et les aspects jugés trop « folkloriques ». Le chanoine Paul Scarmure, alors vicaire de Soignies, conçoit, pendant sa captivité à la fin de la Première Guerre Mondiale, la « procession historique » de 1921, dont la manifestation actuelle est toujours l’héritière. Descendant du Faubourg d’Enghien pour se déployer au centre-ville, elle s’organise en trois parties : l’une est constituée de multiples groupes à caractère religieux ou plus civil (mouvements de jeunesse, fanfares), la seconde évoque en divers « tableaux vivants » en costumes la vie de saint Vincent en lien avec l’histoire de Soignies. Enfin, derrière un groupe imposant de cavaliers et l’étendard de la confrérie, se succèdent les châsses puis les autorités civiles et religieuses. Depuis 1921, au fil des décennies, le cortège s’est enrichit de nouvelles évocations historiques et de groupes musicaux plus nombreux ; il s’ouvre aux paroisses de l’entité lors de la fusion des communes en 1977 et invite des délégations extérieures lors d’événements spéciaux.
  12. La remontée de la châsse. Le Grand Tour, avec sa procession historique, se conclut par la rentrée, vers 13h15, des châsses à la collégiale, précédées par les délégations de paroisses avec la statue de leur saint patron et certains groupes historiques en costumes. Les reliquaires sont accueillis par des trompettes thébaines, au jubé d’orgue, et la fanfare installée sous le jubé à l’entrée du chœur. Le traditionnel « Célébrons » et la Brabançonne rassemblent les participants comme les spectateurs dans un chant à l’unisson à l’arrivée de la grande châsse du saint patron. Les trompettes thébaines, les tambours et la fanfare solennisent le moment. La théâtrale remontée à l’aide du mécanisme d’origine baroque, tandis que la foule chante en chœur, est un moment où l’émotion est tangible. La tradition sonégienne veille à ne pas confondre fête partagée et spectacle.
  13. La clôture le mardi de Pentecôte : le passage de la maîtrise. Le lendemain de la procession, le mardi matin, un cycle se termine pour la confrérie de Saint-Vincent par une eucharistie au chœur de la collégiale et par la passation des pouvoirs entre ancien et nouveau maître. La fonction est attribuée par ordre d’ancienneté dans l’association. S’ensuit un petit-déjeuner convivial. Le pavois tendu entre les tours de la collégiale est enlevé le mercredi matin, marquant la fin de la Pentecôte sonégienne jusqu’à l’année suivante. Pour la confrérie, d’autres rendez-vous sont prévus, telle la fête patronale de saint Vincent en juillet, avec la procession des reliques qui l’accompagne, ou la messe d’octobre fêtant une translation de reliques, avec la seconde assemblée générale.
  • Pratiques sociales, fêtes

Plusieurs INDICATEURS confirment la vivacité de l’événement mais aussi la place qu’il prend, au-delà de la Pentecôte sonégienne, dans la vie des associations impliquées dans sa gestion.

  • Tout d’abord, Il est à relever que, dans le cadre du Tour Saint-Vincent et ses multiples traditions populaires associées, pratiquement tous les participants sont acteurs de l’événement à des degrés divers et non simples spectateurs, y compris dans le cadre de la procession historique, où de nombreux parents accompagnent l’implication de leur(s) enfant(s).
  • Pour ce qui concernent les aspects quantitatifs, ceux-ci sont stables ou en augmentation : nombre de confrères (env. 770), nombre de bénévoles associés au comité de la Procession, nombre de participants à la Procession historique, nombre de réunions de préparation, etc.
  • Ensuite, le rajeunissement manifeste de la confrérie, avec des initiatives des « jeunes confrères » sur le plan de la convivialité (ex. petit-déjeuner le lundi à 5h, buffet Madelgaire en octobre) ou de la communication (publications sur internet, Facebook). Ceci rappelle le rôle que jouait jadis ce qu’on appelait la « Jeunesse », regroupant les jeunes hommes non mariés. Le nombre de femmes augmente depuis la réforme du droit canon en 1983, dans la foulée de Vatican II, et de manière plus significative depuis les années 2000.
  • De multiples débats, notamment au sein du Conseil de la Confrérie (env. 20 membres) qui se réunit toute l’année, sont le signe d’un fonctionnement démocratique cherchant à intégrer des sensibilités diverses au sein d’un groupe organisateur ou entre groupes porteurs. Une régulation de l’événement s’opère ainsi par le fait qu’il est porté par plusieurs associations. Même quand il s’agit de questions pratiques, elles sont souvent traversées par une charge symbolique. A titre d’exemples : 1°) souhait de développer les dimensions conviviales/festives et identitaires et, en même temps, préoccupation de préserver ce qui fait la spécificité de la manifestation, sa tonalité plus religieuse et plus sobre, qui a persisté ici plus qu’ailleurs ; 2°) désir de multiplier la participation des reliques à des événements extérieurs similaires et, en même temps, souci de la préservation matérielle d’œuvres précieuses pour la communauté et fragilisées par des siècles d’usage régulier ; 3°) revêtement ou non d’une toge identique pour porter les châsses reliquaires lors des déplacements, débat faisant intervenir des arguments divers (solennité de la charge, authenticité dans le rapport aux reliques, recommandations du droit canon, esthétique,…).

Les VECTEURS de la transmission sont essentiellement l’expérience partagée entre générations et la tradition familiale. De nombreux confrères veillent à inscrire leurs fils/enfants à la confrérie et à les associer très tôt, soit au Grand Tour dès le matin, soit à la procession historique comme figurant.

Ainsi, des savoir-faire, comme le portage des châsses, les manipulations lors de la descente/remontée, l’installation du pavois, la décoration des chapelles et des chars, etc. sont transmis des anciens vers les plus jeunes dans une sorte de compagnonnage.

A l’attention des personnes souhaitant entrer dans la Confrérie, une démarche de parrainage est mise en place pour s’assurer d’une implication plus grande. Un confrère/consoeur ayant au moins cinq ans d’ancienneté dans l’association, s’engage à accompagner le nouveau/la nouvelle par une instruction sur les traditions et sur les devoirs du confrère, par un sondage des motivations, par une invitation à participer aux divers rendez-vous. Ceci permet, non seulement aux Sonégiens de souche, mais également aux Sonégiens d’adoption ou de cœur, de s’intégrer via le Grand Tour.

Le Grand Tour est ouvert à tous, indépendamment des convictions philosophiques/religieuses ou des motivations de chacun à participer. Les contacts sont progressivement renforcés avec les autorités civiles communales. L’asbl Musée du Chapitre s’attache, par le biais de ses publications scientifiques (Les Cahiers du Chapitre), à faire le point sur les questions historiques (récits), archéologiques (objets), sociologiques (traditions). Des carnets sont parallèlement édités à l’attention des participants (chapelles, procession, chants et prières, etc.). Parallèlement à ces modes de communication traditionnels, le recours aux moyens numériques (vidéos, page FaceBook, site internet, etc.) s’est développé avec la jeune génération.

Aujourd’hui, le Grand Tour n’apparaît pas menacé de disparition. En effet, 1°) il y a un goût de plus en plus largement partagé pour la marche collective et pour une pratique religieuse plus émotionnelle et plus festive ; 2°) il y a une relève manifeste au sein de la confrérie pour assurer sa perpétuation à court et moyen termes ; 3°) des petites innovations sont régulièrement proposées et débattues au sein de la confrérie ou entre les associations porteuses de l’événement (par exemple, le lancement des festivités le samedi midi se structure et s’étoffe de plus en plus) ; 4°) un intérêt plus important pour le Grand Tour se fait jour au-delà des groupes porteurs (par exemple, la place du week-end de Pentecôte dans la vie sonégienne est renforcée, non seulement par la traditionnelle ducasse, mais aussi par un grand concert gratuit le samedi soir organisé par la Ville). 

La principale préoccupation est le maintien de l’intégrité du Tour proprement dit et des traditions associées, tant sur la forme que sur le fond. En ce qui concerne l’itinéraire, les menaces potentielles sont liées aux multiples projets urbanistiques (lotissements) se développant sur le territoire de Soignies et aux adaptations qui en découlent au niveau des voiries et des cheminements. Il y a, en effet, un attachement fort de la population à l’itinéraire historique du Tour et à son contexte champêtre, aux chapelles-balises, aux vues vers la collégiale à partir du chemin processionnaire, à l’aspect des abords de la collégiale qui s’accordent à son rude aspect médiéval. Ceux-ci doivent être préservés pour ne pas dénaturer l’événement.

En ce qui concerne le caractère spécifique du Tour Saint-Vincent, soit l’expression du culte rendu/l’attachement au saint patron, la crainte de certains est que la procession se mue en marche folklorique. Cette tonalité plus religieuse est sans doute ce qui fait son attrait, y compris pour un public non pratiquant, et en même temps ce qui pourrait servir de repoussoir à ceux qui ne voudraient retenir que les aspects conviviaux et festifs.

En ce qui concerne les traditions associées, toujours existantes ou temporairement mises en suspens (ex. Tir de campes à Soignies-Carrières), la Confrérie souhaite conserver le pouvoir décisionnel, dans un cadre législatif souple et en concertation avec les autres associations. L’augmentation significative du nombre de participants au Tour à Foyas pourrait poser des difficultés de gestion. De même, un équilibre est sans cesse à rechercher entre les pratiques plus religieuses (haltes-prières) et celles plus profanes (haltes-rafraîchissements)

A la suite d’une prise de conscience progressive par les acteurs de la nécessité de préserver les éléments matériels de la tradition, sont prises ou envisagées différentes mesures concrètes :

  • Une part non négligeable du budget de la Fabrique est consacrée à l’entretien de tous les supports au culte de saint Vincent reposant à la collégiale : châsses, brancards, armoires à reliques, mécanisme, etc. ;
  • Les chapelles qui balisent le Tour font également l’objet d’une attention soutenue ; actuellement, l’asbl qui s’en occupe s’attache à inventorier, au sein des propriétés communales, tous les éléments ayant un lien avec le Grand Tour ;
  • Afin d’assurer la sauvegarde d’un patrimoine vestimentaire constitué au fil des décennies, le Comité de la Procession a pris soin de mettre en sécurité, dans un autre lieu que le Vestiaire, un costume de chaque groupe, pour en assurer la possibilité de reproduction en cas de sinistre ;
  • De plus en plus conscientisée à la fragilité des objets anciens, la Confrérie a fait réaliser une copie 3D du bâton du maître orné d’un groupe sculpté en argent du début du XVIIe siècle ; elle juge souhaitable de dresser un inventaire de tous les éléments matériels du Grand Tour ;
  • Le musée du Chapitre conserve en sécurité et présente une vitrine dédiée à la Confrérie contenant notamment les bâtons des dignitaires du Grand Tour, lesquels étaient tenus jusqu’il y a peu dans des habitations particulières ;

Le Grand Tour Saint-Vincent et sa procession historique permettent aux habitants de Soignies d’exprimer rituellement leur identité collective au-delà des différences sociales ou idéologiques, en partageant non seulement une expérience mais aussi des valeurs inspirées par l’événement : confiance, cohésion, entraide, simplicité, attachement à la figure du saint patron, auquel est intimement liée l’histoire de la cité (territoire, communauté urbaine, chapitre de chanoines, etc.).

En effet, il ressort que, par cette prise de conscience d’une appartenance commune, se partage une légitime fierté et se réalise, ne serait-ce que le temps d’un week-end, cet idéal de solidarité citoyenne dans un monde dont l’individualisme croissant accentue la morosité. C’est le groupe social sonégien tout entier qui s’exprime à lui-même, notamment par le défilé de ses représentants, les autorités civiles, religieuses – et jadis militaires -, les groupes musicaux, les paroisses et les nombreux groupes, à la fois pédestres et équestres, qui ressuscitent le passé depuis ses origines au VIIe siècle.

Par ses caractéristiques spatiales, historiques et religieuses, le Grand Tour participe au vaste ensemble des processions giratoires catholiques existantes à travers le monde et qui ont subsisté de manière notable en région wallonne. Parmi celles-ci, l’événement de Soignies se distingue par la référence omniprésente à la figure du saint patron et par une articulation originale des concepts de cortège, de parade, de procession et de pèlerinage, qui se sont maintenus ici à travers les siècles comme une authentique tradition vivante, alliant fidélité et créativité.

Dialogue intergénérationnel

  • Organisation (le samedi suivant l’Ascension) d’un « Pré-Tour » en car pour les personnes âgées ou moins valides ; une équipe d’encadrants assure les animations, les haltes-prières, les chants et le traditionnel arrêt à Soignies-Carrières ; une messe à la collégiale rassemble la bonne centaine de participants avant le départ ;
  • Participation à la procession d’une délégation des différents mouvements de jeunesse de l’entité ;
  • Participation de la chorale des Jeunes (accompagnement du Grand Tour) et jeunes instrumentistes de l’académie de musique (carillon mobile, fifres et tambours).
  • Participation d’enfants des écoles primaires dans les groupes costumés de la procession (présentation-recrutement in situ par le comité de la Procession) ;
  • Réalisation occasionnelle du Tour en dehors de la Pentecôte par des équipes de jeunes en catéchèse ou par des privés, l’itinéraire étant ouvert à l’année. 

Dialogue multiculturel

Parmi les signes d’ouverture :

  • Le portage de la châsse de saint Vincent, exclusivement réservé aux hommes, est assuré, depuis quelques années, par des femmes sur un petit tronçon de l’itinéraire, à Soignies-Carrières ;
  • Une délégation de la communauté portugaise de Soignies participe à la procession historique ;
  • Une rencontre exceptionnelle des châsses de saint Vincent (Soignies) et de sainte Waudru (Mons) a eu lieu à Casteau en septembre 2019, en commémoration de deux rencontres historiques des reliques à cet endroit (1349, épidémie de peste – 1919, fin de la Première Guerre Mondiale). Plus de 2000 personnes, tant d’origine sonégienne que montoise ou d’ailleurs, y ont participé.
  • Chaque année, des délégations de paroisses « amies » (Hazebrouck, Hautmont, etc.), en lien avec l’histoire de saint Vincent ou du Chapitre de Soignies, sont invitées par le Comité de la Procession.• Des actions « sociales » d’aide ou de soutien sont menées par la Confrérie, notamment sur base des bénéfices du « Buffet Madelgaire » d’octobre.

Développement durable

  • Malgré une importante urbanisation de Soignies au cours du 20e siècle, une partie du parcours de la procession se fait encore dans un cadre champêtre, qui contribue à son caractère et à son attrait. Le Tour peut contribuer, dans une certaine mesure, à la préservation de ce caractère semi-rural. Par exemple, c’est grâce au Grand Tour, et à l’importance historique de la halte-panégyrique à la chapelle du Marais Tillériaux, que la grande parcelle herbeuse et arborée qui accompagne la chapelle a pu être préservée, en plein cœur de ville, de projets immobiliers.
  • Lors du Tour à Foyas, les confrères ramassent les déchets qu’ils trouvent sur l’itinéraire. Les autorités communales assurent elles aussi l’entretien par le nouvellement des marquages au sol ou le nettoyage des fossés. Certains habitants suspendent des bannières à leurs fenêtres tout comme la ville pavoise les rues parcourues par la procession. Ceci s’inscrit dans l’esprit de préparatifs qui, jadis déjà, précédaient le Grand Tour.
  • La consommation liée aux festivités (souper au jambon, déjeuner des confrères, buffet Madelgaire) est frugale et mobilise exclusivement le commerce de proximité. Lors du Tour même, les prises de collations répondent à des invitations de particulier à particulier. Le déjeuner payant lors de la halte à Soignies-Carrières pendant le Tour se fait par et pour le « Dépannage alimentaire » local. Il n’y a pas d’opérations commerciales liées à l’événement.
  • Le Tour se fait à pied, sans aucun véhicule à moteur. Conformément à une tradition séculaire, la participation de nombreux chevaux demeure un élément marquant de la procession historique. Celle-ci demeure possible grâce à la collaboration fidèle d’agriculteurs et, plus récemment, des manèges des environs.

Diversité et créativité humaine

Tout à la fois fidèle aux traditions et attentif aux évolutions de la société contemporaine, le Grand Tour continue de s’enrichir de nouvelles chapelles, de nouveaux groupes costumés dans la procession historique, de nouveaux chants.

  • Manière de remercier tous ceux qui s’investissent, année après année, pour faire vivre le grand Tour, et d’ainsi les encourager à poursuivre leur engagement ;
  • Consolidation des échanges entre les porteurs du dossier dans le droit fil de l’élaboration du dossier de candidature ;
  • Argument supplémentaire pour faire respecter l’intégrité et l’authenticité de l’événement (lieux, supports matériels, pratiques traditionnelles, etc.) ;
  • Mise en lumière d’un événement majeur à Soignies, à la fois festif et religieux dans ses fondements, qui véhicule des valeurs positives (convivialité, esprit de famille, solidarité, etc.) ouvert à tous et inscrit dans son époque malgré une ancienneté de plus de 750 ans ;
  • Conservation du pouvoir décisionnel – et donc de « l’esprit » de l’événement et du lien historique aux origines de la cité - aux mains des associations porteuses.

Références bibliographiques

BALATE C. (coord.), Le Grand Tour Saint-Vincent à Soignies. Aujourd’hui depuis 750 ans (Les Cahiers du Chapitre, 12), Soignies, 2012.

BAVAY G., Au fil des chapelles… Les chemins du grand Tour Saint Vincent de Soignies, éd. Œuvres de la Confrérie Saint-Vincent asbl, Soignies, 1992.

DEVESELEER J. (s. dir.), Saint-Vincent de Soignies. Regards du XXe siècle sur sa vie et son culte (Les Cahiers du Chapitre, 7), Soignies, 1999 ; en particulier

DESMETTE Ph., Le culte de saint Vincent à Soignies sous l’Ancien Régime. Contribution à l’étude de ses principales manifestations. HAZEBROUCQ P., La procession historique du lundi de Pentecôte (Les Cahiers du Chapitre, 5), Soignies, 1996.

Sources anciennes :

M. LE FORT, Histoire de S. Vincent comte de Haynnau, patron de Soignies avec les miracles anciens et nouveaux et aucunes grâces particulières impetrées par ses merites et intercession. Vray et fidele miroir de la noblesse, Mons, 1654.

L.-J. LALIEU, Vie de S. Vincent Madelgaire et de sainte Waudru son épouse, princes et patrons du Hainaut, Tournai/Braine-le-Comte, 1886.

Contact

Jacques Deveseleer


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