Fiche
Les joutes sur échasses regroupent de 10 à 50 jouteurs selon les occasions. Comme depuis le XVIème siècle, deux brigades s'affrontent : les Mélans et les Avresses. Les jouteurs sont accompagnés de tambours et de fifres et sont précédés de leurs alfers (porteurs de drapeau).

Toutes les informations sur Les joutes sur échasses de Namur
Localisation
Namur
Communauté
Les jouteurs sur échasses, les joueurs de tambour et alfers qui les accompagnent, regroupés dans l’asbl ‘Les Échasseurs Namurois’.
Les personnes qui participent à la tradition et sa transmission: ébéniste, couturières, anciens échasseurs. La population de la ville de Namur. Toute personne étant attachée à l’identité et aux traditions de la ville de Namur.
Société(s) ou groupe(s) responsable(s)
Les Échasseurs Namurois a.s.b.l.
Les joutes sur échasses pratiquées de nos jours regroupent de 10 à 50 jouteurs selon les occasions. Les jouteurs sont, comme depuis le XVIème siècle, répartis en 2 brigades : celle des Mélans (jaune et noir) et celle des Avresses (rouge et blanc). Les jouteurs sont accompagnés d’une batterie de tambours et de fifres. Enfin le groupe et chaque brigade sont précédés de leurs alfers (porteurs de drapeau).
Les échasseurs portent actuellement tous un costume rouge et blanc inspiré du XVIIème siècle.
Le cérémonial de la joute suit actuellement le schéma suivant:
- Généralement une parade des jouteurs, précédés des drapeaux, des fifres et des tambours, a d’abord lieu dans les rues de la ville.
- Les jouteurs entrent ensuite dans l’aire de joute sur 2 files parallèles : l’une est constituée des Mélans, l’autre des Avresses. L’aire de joute peut être une place, une rue, une cour, un podium…
- Toujours en file, les jouteurs font le tour complet de l’aire de joute afin de se présenter au public.
- Ensuite les 2 brigades se rassemblent d’un côté opposé de l’aire de joute. Les musiciens se placent sur un troisième côté, entre les 2 brigades.
- Au signal du responsable, les drapeaux s’avancent vers le centre de l’air de joute. L’ensemble des drapeaux sont abaissés vers le sol. Au même moment les 2 capitaines de chaque équipe s’avancent vers les drapeaux. Ils se saluent mutuellement en sautillant sur une échasse tout en levant l’autre vers le ciel. Ce salut est accompagné d’un roulement de tambour.
- Une fois les capitaines revenus dans leurs rangs respectifs, les drapeaux se relèvent et quittent l’aire de combat prestement. C’est le signal du début de la joute et le moment ou les tambours commencent à jouer l’air du combat.
- La joute démarre, les échasseurs des 2 équipes s’affrontent en 1 contre 1 ou par groupe. De temps en temps le responsable ordonne une charge. Elle consiste à renvoyer chaque brigade de son côté pour ensuite relancer la joute.
- Lorsqu’une des deux équipes ne possède plus de jouteur en lice, l’autre est déclarée vainqueur. Les jouteurs vainqueurs saluent le public (de la même façon que les capitaines en début de combat) au son d’un roulement de tambour.
- Dans certains cas, minoritaires, le combat se prolonge par un bout-a-tot. Les jouteurs vainqueurs s’affrontent alors entre eux pour désigner le vainqueur individuel. Le bout-a-tot se pratique systématiquement lors de la grande joute annuelle de l’échasse d’or. Dans les autres cas, il a lieu soit pour faire honneur à un spectateur de marque, soit pour remercier le public lorsque celui-ci est particulièrement chaleureux. Il arrive aussi parfois que le bout-a-tot soit réclamé par les échasseurs ou par le public lui-même. À la fin de la joute, le vainqueur individuel du combat salue le public.
Les joutes ont lieu principalement à Namur mais aussi partout où les échasseurs vont représenter la population de la Ville. La première prestation extra-muros des échasseurs date de 1617 lorsqu’ils sont envoyés à Tervuren par les autorités de la Ville de Namur pour rendre les honneurs aux Archiducs Albert et Isabelle.
La principale joute de l’année est le grand combat de l’échasse d’or. Il a lieu le dimanche des fêtes de Wallonie, traditionnellement sur la Place St Aubain archi-comble. L’on y dénombre entre 5000 et 6000 spectateurs. À noter que le combat est désormais retransmis en direct sur la télévision locale Canal C pour permettre à tous de le regarder. Les résultats sont aussi très largement diffusés dans la presse locale. Très souvent les Namurois ont une équipe favorite.
- Pratiques sociales, fêtes
Les joutes sur échasses sont toujours bien vivaces. On compte de nos jours une septantaine d’échasseurs membres de l’a.s.b.l. dont une cinquantaine de jouteurs, une dizaine de musiciens et une dizaine d’alfers.
La transmission des techniques de la marche et de la joute sur échasses se fait principalement de 2 façons :
Dans le milieu familial : de nombreuses dynasties familiales existent au sein des échasseurs. Les parents apprennent à leurs enfants les rudiments de la joute et les bottes secrètes familiales.
Grâce aux entrainements : À la belle saison des séances d’initiation et d’entrainement sont organisées chaque semaine, généralement à la pointe du Grognon (au confluent de la Sambre et de la Meuse). Les entraîneurs sont choisis au sein de l’a.s.b.l. L’entraînement est ouvert à tous mais regroupe principalement des adolescents et de jeunes adultes.
La transmission des techniques de tambour et des airs se fait au sein de l’a.s.b.l. sous forme de répétitions régulières.
Les principales joutes attirent toujours autant la grande foule. Cependant il peut être difficile de recruter de futurs jouteurs. Les joutes ne sont pas menacées dans leur existence à moyen terme. Mais vu le nombre limité de jouteurs actuels, un risque réel existe sur leur pérennité à long terme. L’expression « disparaître, faute de combattants » pourrait ici s’avérer des plus cruelles.
Consciente de sa mission de transmission et des risques de disparition, l’a.s.b.l. travaille depuis plusieurs années à conscientiser les jeunes namurois à ce patrimoine et à recruter et former de nouveaux jouteurs. Voici quelques-unes des initiatives menées dernièrement:
Recrutement et transmission
- Sous l’impulsion d’une nouvelle équipe d’entraineurs, les entrainements ont été modernisés en 2010. Ce coup de jeune a permis de gonfler le nombre de jeunes participants à ces sessions. Il n’est pas rare qu’ils soient près de 20 à se rassembler le mercredi.
- En 2015, une brigade junior a été créée. Elle permet d’initier des enfants de 6 à 12 ans. La brigade junior marche et joute sur des échasses adaptées. Elle précède les échasseurs lors des prestations à Namur.
- En 2018, une brigade féminine a été mise en place.
Conscientisation
- Un soin particulier est mis depuis plusieurs années à la collaboration avec les écoles
- Nombreuses visites depuis près de 20 ans dans des écoles du namurois afin de présenter la tradition
- Dossier pédagogique mis à la disposition des écoles
- 2011 : spectacle « la légende des échasseurs » proposé par 7 écoles du Namurois
- 2015 : intégration des élèves de l’école communale de Flawinne au cortège précédent l’échasse d’or
- 2016 : Projet de livre pour enfants
- Communication modernisée :
- 2013: Site internet moderne
- Forte présence sur les réseaux sociaux : facebook, youtube, twitter, pinterest, google+
- Forte présence médiatique : diffusion en direct du combat de l’échasse d’or sur Canal C, relais de l’échasse d’or sur les chaines nationales, dans la presse locale…
- En 2011, les festivités du 600ème anniversaire ont été l’occasion de focaliser l’attention du public, et des plus jeunes en particulier, sur la joute sur échasses.
- La thématique des fêtes de Wallonie 2011 était « Namur, capitale mondiale de l’échasse ». À cette occasion les échasseurs ont invité des échassiers venus du monde entier. Une attention particulière a été accordée aux enfants au travers d’un spectacle qui leur a été réservé le vendredi des fêtes de Wallonie
- Toujours pendant les fêtes de Wallonie, une exposition consacrée aux 6 siècles d’histoire des échasseurs a été visitées par près de 3000 Namurois. C’est un record d’affluence pour l’espace Beffroi du centre-ville ou se tenait l’exposition. Cette exposition fut réalisée grâce à la collaboration de nombreuses forces vives namuroises (Ville de Namur, Archives de l’Etat à Namur, Archives photographiques namuroises, Société Archéologique, GAU Namur et bien d’autres) Un travail historique sur le patrimoine matériel et immatériel du groupe a également été entamé ces dernières années.
L’attachement des Namurois aux échasseurs s’exprime de différentes manières. Il est particulièrement visible au moment des fêtes de Wallonie. Durant ces fêtes le sentiment « namurois » est particulièrement fort et les échasseurs en incarnent un des plus importants symboles.
Si le combat du Carnaval était le temps fort de la joute sur échasse au XVIIème et XVIIIème c’est aujourd’hui dans le cadre des fêtes de Wallonie que la principale joute de l’année a lieu. Le combat de l’échasse d’or en est d’ailleurs la plus populaire des manifestations récurrentes. Il a traditionnellement lieu le dimanche des fêtes vers 16h sur la Place St Aubain et accueille entre 5000 et 6000 spectateurs (ce nombre est limité par l’espace disponible sur la place). Alors que l’on considère généralement les Namurois comme des gens réservés, ceux-ci sont particulièrement exaltés lors de ce grand combat.
La force symbolique des joutes sur échasses pour les Namurois expliquent pourquoi elles sont aussi présentes dans l’art et l’artisanat : peintures, aquarelles, cartes postales, bière, statuette, littérature … la symbolique des échasseurs (« Chacheus » en wallon) est présente un peu partout.
Au moment des fêtes de Wallonie, de nombreux commerçants du Vieux-Namur décorent leur vitrine aux couleurs des brigades ou au moyen de vieilles échasses. Certains producteurs locaux utilisent aussi ce symbole pour leur produit, citons par exemple la brasserie de l’échasse fondée en 2014.
Les publicitaires ont, également perçu la force de ce symbole. Plusieurs grandes marques l’on utilisé pour leurs campagnes. La campagne 2015 de Coca-Cola en est un bel exemple. Elle cherchait à utiliser des icônes locales (le doudou à Mons, le Manneken Pis à Bruxelles…) ; à Namur, les bouteilles de soda se mirent à monter en échasses. Bien entendu il faut être vigilent face aux excès d’une commercialisation à outrance; mais le fait qu’une marque internationale s’intéresse aux échasseurs a aussi pu être un gage de fierté pour les Namurois.
Signe de l’attachement des Namurois, le centre de Namur est marqué de la présence des joutes sur échasses, fruit d’initiatives publiques comme privées :
- Les échasseurs possèdent une rue à leur nom au centre de la ville
- Sur la façade arrière de l’Hôtel de Ville de Namur, la Fresque des Wallons est un trompe l’œil de 330 m2 représentant près de 250 personnages ou références typiques de l’histoire ancienne et récente de la Wallonie. Les 2 plus grands personnages de cette fresque ne sont autres que 2 échasseurs en train de jouter
- Une statue de plusieurs mètres représentant des échasseurs en train de jouter orne le square Arthur Masson, à l’extrémité du principal pont enjambant la Meuse. Dans la pratique, le square Arthur Masson est d’ailleurs maintenant appelé par la plupart des Namurois « rond-point des échasseurs ».
- Les bâtiments récemment construits au Port du Bon-Dieu sont agrémentés de structures représentants des échasseurs
- Le souterrain de la Gare possède également une fresque, réalisée par des jeunes en 2008, représentant des symboles de Namur, dont un échasseur
Dialogue intergénérationnel :
Les codes, simples, de la joute la rende accessible à tous les âges. Un enfant peut comprendre ce qu’il voit et rêver au jouteur qu’il deviendra plus tard. Un grand-père peut revivre les émotions de sa jeunesse au travers de la joute à laquelle il assiste. Mieux, les différentes générations trouvent dans la joute un terrain commun, un héritage partagé.
Les entraineurs et des praticiens expérimentés garantissent la transmission. Ils conseillent les plus jeunes et transmettent techniques et stratégies.
La transmission se fait parfois également dans le milieu familial lorsque des jouteurs, ou d’anciens jouteurs, apprennent à leurs enfants les rudiments de la pratique et les techniques familiales.
Dialogue multiculturel :
La joute sur échasses est un évènement urbain marqué par une forte identité namuroise et contribuant à la cohésion sociale de la ville. Elle rassemble autour d’un symbole commun et très accessible des spectateurs d’origines culturelles et sociales différentes.
Il en va de même pour les jouteurs. Ceux-ci reflètent la diversité de la cité et offre un modèle, rare, de stricte égalité. On retrouve par exemple parmi les jouteurs actuels aussi bien un professeur d’université que des jeunes en décrochage scolaire.
Développement durable (environnement, santé, économie inclusive, etc.) :
Outre le bénéfice physique, la joute apporte des valeurs socio-éducatives, surtout au plus jeunes, par l’apprentissage du vivre ensemble et du respect mutuel.
L’accès à ce patrimoine n’est pas clivant sur le plan financier. Assister à des joutes sur échasses a toujours été, et continuera à être gratuit.
Le bois de hêtre des échasses provient de Belgique et est séché naturellement et scié dans la région de Namur. Les échasses cassées sont recyclées ; on en fait des échasses courtes, qui servent à l’apprentissage des enfants ou on en réutilise les pièces. Echasses et costumes sont également partagés, de manière à éviter tout gaspillage.
Diversité et créativité humaine :
La joute sur échasses est une pratique évolutive dans laquelle chaque jouteur (ré)invente ses techniques et chaque compagnie ses stratégies. L’inscription d’un élément à la fois ancré dans une tradition séculaire et ouvert à l’évolution devrait encourager de nouvelles formes de créativité.
Les joutes constituent par ailleurs de plus en plus souvent le thème de créations artistiques et culturelles (peinture, sculpture, spectacles). L’inscription favorisera ces initiatives créatives.
Cette reconnaissance a permis de mettre en valeur cette pratique, en particulier à l’étranger.
Depuis 2016, l’élément porte désormais le nom « Les joutes sur échasses de Namur » pour bien souligner que c’est la pratique qui fait partie du patrimoine culturel immatériel de Belgique et non les individus qui la perpétuent.
Références bibliographiques :
Borgnet, J. (1856). Recherches sur les anciennes fêtes namuroises. Bruxelles
Courtoy, F. (1963). Une joute d’échasses à Namur en 1764. Namurcum, 35, 11-16 de Wasseige, J.C. (1991).
Les échasseurs namurois au XVIII ème siècle. Tradition Wallonne, 8, 85-132 Gilon, F. (1999).
L'étude des Échasseurs namurois en tant que groupe social. Namur : H.E.N.A.C Larosse, L. (1985).
Cortèges et combat des échasseur namurois en 1731. Le guetteur wallon, 4, 113-116 Marechal, L. (1924).
Un jeu national de jadis : Les Échasseurs namurois. La Vie Wallonne, 4, 288-301 Maloy, R. (2008). Stiltwalking : a history and how to. Victoria : Mac Brothers Entertainment Plompteux, M. (2010).
Comment éveiller les enfants du primaire au groupe folklorique des Échasseurs namurois. Namur : HENAM Ronvaux, M. (2014).
Une Histoire du Namurois, t. 1. Namur : Martagon Ronvaux, M. (2015).
Une Histoire du Namurois, t. 2. Namur : Martagon Rousseau, F. (1971).
Légendes et Coutumes du pays de Namur, 2ème édition. Bruxelles : Ministère de la Culture Française. Commission Royale Belge de Folklore (section wallonne) Willemart, J. (1980), Echasse landaise et échasse namuroise : particularités techniques. Le Guetteur Wallon, 8-17 Willemart, J. (2002).
Les combats d’échasses à Namur, entre tradition et modernité. Bruxelles : Luc Pire
Autres documents : copie d’études, site internet, autres :
Site internet : www.echasseurs.org
De nombreux documents originaux emblématiques de l’histoire des joutes sur échasses à Namur sont conservés aux Archives de l’Etat à Namur.
