Fiche
Cette écriture tactile témoigne d’une intelligence de la main caractéristique d’un savoir et d’un savoir-faire. Son usage a transformé le destin de la communauté des personnes aveugles et mal-voyantes en lui permettant un accès direct à l’écrit. Son principe de codage, aujourd’hui universel, représente l’aboutissement de siècles de recherches dans le domaine de l’éducation des personnes aveugles.

Toutes les informations sur Apprentissage et usage du Braille
Le braille est un système universel utilisé en Belgique et dans le monde entier. L’UNESCO est impliqué depuis sa création dans les chantiers d’uniformisation et d’adaptation du braille aux différentes langues.
En ce qui concerne le braille français, p. ex., la Belgique, via la Confédération belge pour la promotion des aveugles et malvoyants (CBPAM), a participé à l’accord de coopération pour un code braille français uniformisé (CBFU) dans le cadre de la transcription des textes imprimés, signé le 7 juin 2001 à Casablanca avec des représentants de l’Afrique francophone, de la France, de la Suisse et du Québec.
Plus récemment, des démarches ont été entamées dans plusieurs pays du monde pour inscrire l’usage et la transmission du braille dans l’inventaire patrimonial national, en vue d’une inscription ultérieure au Patrimoine mondial de l’UNESCO. L’enregistrement a été réalisé en Allemagne en 2020 et en France en 2023
Groupes ou sociétés reponsables de la reconnaissance :
Braillistes, incluant des usagers aveugles et malvoyants et des proches de leur entourage qui ont appris le braille pour communiquer avec eux, des enseignants et/ou formateurs du braille, déficients visuels ou non, des transcripteurs voyants (de textes en « noir » vers le braille et inversement).
La Ligue Braille, l’une des principales associations de personnes aveugles et malvoyantes de Belgique, fondée en 1920 à Bruxelles, a approuvé avec enthousiasme cette démarche de reconnaissance.
Les caractères de l’alphabet tactile conçu par Louis Braille se présentent sous la forme de petits rectangles divisés en deux colonnes de trois points, disposés à la façon d’un domino. Cette disposition permet 64 combinaisons possibles. En mettant de côté l’absence totale de points – qui ne signifie rien – on obtient 63 signes différents. C’est suffisant pour représenter la totalité des lettres de l’alphabet, la ponctuation, les lettres accentuées, les chiffres et les signes algébriques, ainsi que la notation musicale. Le génie de Louis Braille réside essentiellement dans le fait que le rectangle de six points tombe parfaitement sous la partie la plus sensible du doigt. La vitesse de lecture est nettement plus efficace et rapide qu’avec d’autres systèmes tactiles élaborés avant Braille ou à son époque, dont beaucoup se fondaient sur des caractères romains mis en relief.
- 1. Comment l’alphabet est-il formé ?
Si nous reprenons l’image du domino pour figurer le caractère braille, les 4 points supérieurs sont combinés pour former les 10 premières lettres de l’alphabet – de A à J. En ajoutant à cette série de dominos le point du bas, à gauche, on obtient les 10 lettres suivantes – de K à T. En ajoutant toujours aux 5 premiers signes les 2 points du bas, on obtient les lettres de U à Z. Le W déroge à cette règle car il est entré plus tard dans l’alphabet français.
- 2. Et les chiffres ?
Pour former les chiffres de 1 à 9 et le 0, Louis Braille a repris les lettres de A à J précédées d’un signe spécial nommé signe numérique, composé du point en bas de la colonne de gauche et des 3 points de la colonne de droite. Pour les nombres à plusieurs chiffres, p. ex. 1809, on ne place un signe numérique que devant le premier chiffre.
Dans les années 2000, en Belgique francophone, comme en France et dans d’autres pays de langue française, on a adopté une notation mathématique simplifiée, appelée le code Antoine, du nom de son inventeur, Louis Antoine (1888-1971). Conçu en 1920, ce code remplace le signe numérique traditionnel par le point en bas de la colonne de droite, suivi des lettres A à J auxquelles on ajoute le même point.
- 3. Comment lit-on le braille ?
En principe, on utilise les deux mains et on déchiffre les caractères avec l’index, de gauche à droite. La lecture tactile est plus lente que la lecture visuelle. Un bon lecteur en braille lit en moyenne 100 à 120 mots à la minute, alors qu’un lecteur visuel lit 300 à 500 mots. Il existe une version abrégée du braille, qui permet d’améliorer de 10 % la vitesse de lecture.
- 4. Comment écrit-on en braille ?
Le modèle de tablette développée par Braille est encore utilisé de nos jours. Le fond rectangulaire, en métal ou en plastique, est tapissé de cuvettes de la dimension du point braille. Un cadre de mêmes dimensions, relié par des charnières en haut de la tablette, se rabat sur la feuille pour la maintenir en place.
Une grille mobile pourvue de plusieurs rangées de fenêtres, s’adapte sur le cadre. Cette « réglette » se déplace de ligne en ligne et se fixe par des tenons dans les trous pratiqués sur les montants du cadre.
Chaque fenêtre laisse à découvert six cuvettes correspondant aux positions des points du haut, du milieu et du bas. On forme les points en poussant le papier avec un poinçon à travers les fenêtres de la réglette, qui sert de guide. Pour lire le papier ainsi « embossé », on retourne la feuille. Les points doivent donc être marqués au verso de la feuille, de droite à gauche et en inversant la disposition des points afin de pouvoir être lus au recto, de gauche à droite. Pour apprendre l’écriture au poinçon, il existe des alphabets braille où les lettres sont représentées telles qu’elles doivent être écrites.
Ce procédé d’écriture manuelle est encore en usage de nos jours, malgré le développement des machines à embosser. Les machines mécaniques, plus lourdes et encombrantes, sont d’un usage plus aisé. Elles ont toutes en commun un système à six touches correspondant aux six points du caractère braille et une touche d’espacement. Pour écrire, il faut appuyer simultanément sur toutes les touches représentant les points d’un caractère. De toutes ces machines à écrire mécaniques, la plus connue est sans doute la machine Perkins. Elle doit son nom à la plus ancienne école pour étudiants aveugles des États-Unis, la Perkins School for the Blind, fondée en 1829 à Boston. La machine à écrire conçue dans cette institution par David Abraham fut produite à partir de 1951 et distribuée dans le monde entier.
Malgré le développement de machines électroniques, les machines mécaniques comme la Perkins sont encore utilisées. Les versions électroniques présentent des fonctions supplémentaires comme la synthèse vocale pour vérifier la saisie braille, la sauvegarde et le transfert de fichiers vers un autre appareil (clé USB, p. ex.), le raccordement à une imprimante, etc.
- 5. Le braille est-il difficile à apprendre ?
Apprendre le braille, c’est comme apprendre une seconde langue, cela demande des efforts et de la patience. On estime qu’il faut deux ans pour être capable de lire et d'écrire correctement la version abrégée. Les personnes aveugles ne sont pas les seules à apprendre le braille. La transcription des textes est généralement réalisée par des personnes voyantes. Après huit mois d'apprentissage, il est possible de transcrire un roman. Il est toutefois nécessaire de se perfectionner si l’on veut transcrire des textes plus spécialisés, pour des étudiants p. ex. Certains se spécialisent aussi en transcription musicale.
- 6. Le braille est-il applicable à toutes les langues ?
Oui, le braille existe dans pratiquement toutes les langues, moyennant des adaptations pour les langues orientales notamment, qui n’utilisent pas l’alphabet latin.
braille n’est pas une langue mais un système permettant de transcrire toutes les langues, de même que la notation musicale, les chiffres et symboles mathématiques dans un code lisible par les doigts. La langue utilisée dans la pratique est donc la langue maternelle ou acquise transcrite en braille.
- Traditions orales
- Connaissance de la nature
L’apprentissage du braille peut se faire à tout âge. Il faut toutefois distinguer le cas des enfants qui utilisent le braille comme modalité initiale d’accès à l’écrit (lecture et écriture) de celui des personnes qui ont d’abord appris à lire et à écrire « en noir » avant de perdre la vue à un âge plus ou moins avancé. Dans le second cas, l’apprentissage va dépendre également de l’âge de la personne, les capacités d’apprentissage et les enjeux évoluant en fonction de l’âge.
Le caractère tactile de l’écriture braille a un impact important sur les modes d’apprentissage. La lecture tactile est séquentielle, caractère par caractère et même si les bons braillistes parviennent à développer une relative anticipation en utilisant les deux mains, le braille ne permet pas une lecture globale comme c’est le cas pour la lecture visuelle. En raison des spécificités perceptives du sens tactile, l’apprentissage est plus lent et exige des méthodes adaptées. Ainsi, les confusions et inversions de caractères sont fréquentes en début d’apprentissage. L’absence de signes diacritiques (accents, cédille, etc.) entraîne l’apprentissage d’un nombre plus important de signes, les signes de ponctuation peuvent aisément être confondus avec les lettres, etc.
Notons l’importance de l’acquisition préalable de compétences spécifiques au braille, à l’école maternelle : éducation de la perception tactile, mouvements manuels. L’accompagnement doit être très soutenu dans les débuts de l’apprentissage. Dans l’enseignement spécialisé, le braille fait partie intégrante du programme scolaire mais avec un accompagnement adéquat, il est tout à fait possible pour un enfant aveugle de faire toute sa scolarité dans l’enseignement ordinaire.
L’apprentissage du braille par les enfants ou adultes qui savent déjà lire est particulièrement délicat, surtout dans le contexte scolaire. La personne qui subit la perte ou la réduction importante de la vision est confrontée, ainsi que son entourage, à un important travail d’acceptation et de réadaptation. Commencer l’apprentissage du braille alors que l’élève perdant la vue dispose encore d’un potentiel visuel suffisant n’est pas toujours pertinent, mais attendre qu’il ne puisse plus lire en noir risque de lui faire prendre du retard dans ses études. Par ailleurs, comme le braille est perçu généralement comme signe de cécité, il peut être considéré comme stigmatisant, alors qu’il est possible et recommandable pour certaines personnes malvoyantes de conserver une double modalité de lecture et d’écriture, braille et noir agrandi. Néanmoins, une fois que la personne a surmonté au moins partiellement les obstacles liés à l’acceptation de la déficience visuelle et compris le bénéfice qu’elle peut tirer du braille pour favoriser son autonomie, l’acquisition peut être assez rapide étant donné que la lecture et l’écriture sont déjà acquis. Il s’agit essentiellement d’assimiler un nouveau code. Cela nécessite toutefois un entraînement suffisamment intensif pour que la lecture devienne fluide et rapide. Pour les jeunes et les adultes en âge de travailler, le braille reste un moyen incontournable de réussite dans les études et dans la vie professionnelle. Pour les plus âgés, la diminution relative des capacités d’apprentissage, de la sensibilité tactile, voire des motivations empêchent généralement d’acquérir une aisance de lecture suffisante pour lire des livres en braille. Mais elles peuvent parfaitement acquérir une pratique suffisante pour l’utiliser par exemple pour l’étiquetage des produits d’usage quotidien, des médicaments, des appareils ménagers, des documents, etc. Le braille est un outil très efficace dans le cadre de la vie quotidienne, en particulier pour les personnes qui vivent seules.
Où s'apprend le braille ?
- Dans les établissements d’enseignement spécialisé qui accueillent des enfants et des jeunes en situation de handicap visuel, les cours de braille font partie intégrante du programme.
- Dans l’enseignement en inclusion, il est nécessaire de faire appel à des enseignants spécialisés extérieurs. Il est indispensable que ceux-ci interviennent régulièrement pour assurer une formation suffisamment régulière et continue, soit directement, soit en formant la personne chargée de l’accompagnement de l’élève.
- Les associations spécialisées comme la Ligue Braille dispensent aussi des cours de braille pour les jeunes en âge scolaire et pour les adultes. Des cours particuliers sont également donnés, souvent par des formateurs eux-mêmes aveugles.
Actions de sauvegarde et de valorisation actuellement entreprises
- Musée Braille (Ligue Braille, 57 rue d’Angleterre, 1060 Bruxelles)
Ouvert depuis janvier 2009, le Musée Braille propose à tous les publics de découvrir l’usage du braille et ses applications dans les technologies actuelles, la vie scolaire, quotidienne ou professionnelle des personnes déficientes visuelles. Outre le récit de la vie de Louis Braille et de son invention, la visite du Musée Braille passe aussi par la découverte d’une série d’objets de collection comme des livres en reliefs, de très anciennes machines à écrire en braille et autres imprimantes portatives. Dans une salle annexe du musée, une dizaine de modules retracent l’histoire de Belgique depuis 1830. Les visiteurs sont invités à les découvrir au toucher.
- Journée mondiale du braille le 4 janvier
En 2001, pour célébrer la naissance de Louis Braille, le 4 janvier a été déclaré Journée mondiale du braille par l’Union Mondiale des Aveugles. Cette initiative permet d'attirer l'attention du public et des médias sur Louis Braille, grâce à qui, encore aujourd'hui, des milliers de personnes aveugles partout dans le monde peuvent accéder à l'information et communiquer.
À cette occasion et tous les 4 janvier, la Ligue Braille habille le Manneken-Pis d’un costume de petit écolier aveugle muni d'une canne blanche et accompagné d'un chien-guide, faisant de lui le représentant de toutes les personnes aveugles et malvoyantes.
- Divers
Diverses initiatives sont prises, en particulier par les associations de personnes aveugles et malvoyantes, pour promouvoir l’usage du braille et faciliter ainsi l’inclusion de ces personnes. Il s’agit en particulier de sensibiliser la direction et le personnel d’institutions publiques (administrations, services publics, musées, etc.) et privées accueillant du public (secteurs culturel, touristique, Horeca, etc.) pour qu’ils mettent dans toute la mesure du possible des informations en braille à disposition des personnes concernées afin de leur ouvrir un accès autonome à l’information écrite : guides, brochures d’information, programme de spectacle ou de concert, menu de restaurant, etc.
Modes de reconnaissance publique
La Belgique a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées le 2 juillet 2009 et elle entrée en vigueur dans notre pays depuis le 1er août 2009. Cette convention cite le braille comme moyen de communication et le considère comme essentiel dans les domaines de l'éducation, de la liberté d'expression et d'opinion, de l'accès à l'information et de l'inclusion sociale de ceux qui l'utilisent.
Dans notre pays, le braille fait partie intégrante des outils d’accessibilité envisagés et/ou mis en œuvre dans les politiques publiques d’accessibilité, à tous les niveaux de pouvoir.
Diverses commissions existent dans le monde pour veiller à l’uniformisation du braille dans chaque langue ou pour adopter la transcription de nouveaux signes (comme en son temps le signe « @ » p. ex.). En ce qui concerne le code braille français enseigné et pratiqué en Fédération Wallonie-Bruxelles, celui-ci relève de la Commission Évolution du Braille Français (CEBF), créée en 1987 à l’initiative de l’Association Valentin Hüy (France) et placée ensuite sous l’égide du ministère français des Affaires sociales. Elle ne se limite pas à la France et regroupe des représentants de la Belgique et de la Suisse tout en entretenant des contacts avec le Québec.
La Belgique francophone est aussi signataire de l’Accord de coopération de Casablanca du 7 juin 2001 pour une uniformisation du braille français. Ce texte, signé également par des représentants de l’Afrique francophone, de la France, de la Suisse et du Québec, prévoit trois grandes étapes : 1) l’uniformisation des symboles braille, 2) l’élaboration d’une table braille informatique à huit points et à six points, 3) une réflexion sur la pertinence d’une réforme de l’Abrégé Orthographique Étendu de 1955, suivie d’une proposition de réforme.
En 2009, année du bicentenaire de la naissance de Louis Braille, la poste belge a édité un timbre à l’effigie de Louis Braille portant son nom en braille ainsi que la valeur du timbre. La même année, la Monnaie royale belge a émis une pièce de 2 euros figurant Louis Braille entre ses initiales L et B en braille. Ces projets ont été réalisés à l’initiative de la Ligue Braille.
Avec le morse, le braille est un des rares exemples de nom de personne devenu un nom commun. Encore aujourd’hui, le braille reste attaché dans l’imaginaire collectif à ce jeune inventeur aveugle entré au Panthéon. Cette identification des personnes aveugles à la figure historique de Braille et à son système est aussi universelle que son usage.
Par rapport à ce signe d’identité étroitement associé à la cécité, des attitudes divergentes apparaissent en fonction notamment du degré d’acceptation du handicap visuel. Pour les personnes aveugles de naissance ou précoces, qui ont été alphabétisées grâce au braille et le pratiquent intensément, celui-ci constitue un signe d’identification sociale et culturelle majeur, une fenêtre sur le monde extérieur donnant accès à la connaissance et à l’échange via l’écrit. En revanche, les personnes devenues aveugles ou gravement malvoyantes sur le tard, hésitent à embrasser l’usage du braille, marqueur d’une cécité difficile à accepter et vécue comme un facteur de désintégration sociale. Il leur faut du temps pour surmonter ce déni ainsi que la pression sociale liée à la crainte de la différence. Les mêmes raisons expliquent la difficulté que peut avoir une personne dans cette situation à accepter l’usage de la canne blanche, autre signe d’identification du handicap visuel.
Dialogue intergénérationnel
Diverses initiatives existent pour sensibiliser les jeunes générations aux enjeux de la pratique du braille et transmettre le patrimoine en lien avec cette pratique. P. ex., la Ligue Braille propose aux groupes scolaires des visites guidées du Musée Braille où ils peuvent découvrir qui était Louis Braille et comment il a conçu son écriture, ainsi que l’usage actuel du braille. Les visiteurs peuvent s’exercer à écrire leur nom en braille au moyen d’une machine de type Perkins, une expérience qui a toujours un grand succès. La Ligue Braille met aussi gratuitement à la disposition des enseignants du primaire (ou à toute personne intéressée) des valises pédagogiques dénommées « BrailleBox ». Celle-ci permet d’aborder la thématique de la cécité et de la malvoyance avec un groupe d’enfants et comprend, entre autres, une machine à écrire le braille et un alphabet braille en poster-cadeau pour afficher en classe.
Dialogue multiculturel
L’alphabet braille est par nature un outil universel qui transcende les cultures et favorise l’inclusion des personnes en situation de handicap visuel, quelle que soit sa langue maternelle.
Développement durable
- La pratique du braille favorise la lutte contre l’exclusion en permettant un accès autonome à l’information.
- Le développement du braille numérique et les outils qui permettent de la prise de notes en braille sous forme numérisée réduisent fortement l’usage du papier. Ces dispositifs apportent une réponse à la problématique du volume important du braille « papier » (un livre en braille représente en volume environ cinq fois son équivalent « en noir »).
Depuis quelques décennies déjà, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre un déclin de l’enseignement et de la pratique du braille. De fait, une tendance se vérifie dans l’ensemble des pays industrialisés : la pratique du braille devient de plus en plus minoritaire.
Paradoxalement, c’est le progrès qui en est la cause, en tout cas indirectement. D’une part, les progrès de l’ophtalmologie et des dépistages ont fait reculer le nombre des aveugles complets. Ainsi, de moins en moins d’enfants naissent aveugles ou deviennent aveugles à un âge précoce. Quant aux jeunes déficients visuels, ils sont en général orientés vers des classes d’intégration dans l’enseignement ordinaire, où l’enseignement du braille cède de plus en plus souvent la place à des techniques palliatives visant à utiliser au maximum la vision résiduelle. Or, pour acquérir de bonnes compétences en braille, il faut l’apprendre le plus tôt possible. D’autre part, les progrès des systèmes de synthèse vocale et des supports audio (CD DAISY) favorisent nettement la lecture auditive, qui demande moins d’efforts que la lecture en braille.
Ces évolutions touchent aussi les transcripteurs braille, concurrencés par les nouvelles technologies.
Il va de soi qu’on ne peut que se réjouir de tels progrès dans le domaine de la santé visuelle, de l’intégration scolaire ou des aides techniques. Mais faut-il pour autant considérer le braille comme dépassé ?
L’enjeu de la défense et de la promotion du braille, ce n’est pas la résistance d’un système « ancien » face à la modernité, c’est la lutte contre l’illettrisme. En négligeant le braille au profit des supports sonores, les jeunes aveugles se privent du seul moyen d’acquérir une maîtrise de la lecture qui s’avère précieuse non seulement pour leur carrière professionnelle, mais pour leur autonomie et leur développement personnel. Christian Coudert, chef de projet informatique au siège de l’Association Valentin Haüy (France) et aveugle complet, souligne : « l'écoute d'un texte, dont le rythme est imposé par le locuteur – ou le synthétiseur vocal –, ne permet pas de fixer son attention. Lorsqu’un enregistrement audio ou un texte lu par synthétiseur défile, même si un mot ou une expression est mal compris, même si la pensée s’égare, on ne s’oblige pas, le plus souvent, à revenir en arrière et réécouter ce que l’on a manqué » (VH Actualités, 108, déc. 2012, p. 7).
L’un des atouts du braille, qui a favorisé son adoption comme système universel, réside dans le fait qu’il permet de transcrire l’intégralité du texte, avec toutes ses caractéristiques : orthographe, ponctuation, caractères spéciaux, minuscules et majuscules, soulignés et italiques, disposition des titres et des paragraphes, etc., sans oublier les formules mathématiques et scientifiques ou les notes de musique, que les synthèses vocales sont incapables de déchiffrer. Lire un texte en braille donne accès à l’écrit dans toute sa richesse et sans intermédiaire. Or l’avantage de l’écrit sur l’oral est de permettre de mieux fixer la connaissance, d’organiser sa pensée, de mémoriser l’information.
L’expérience montre que les élèves et étudiants déficients visuels qui pratiquent le braille réussissent mieux que ceux qui se contentent des supports sonores ou qui s’appuient uniquement sur les systèmes d’agrandissement de caractères. La pratique du braille constitue de même un solide atout dans la vie professionnelle et un outil favorisant l’autonomie dans la vie quotidienne.
Bibliographie sommaire
- Zina Weygand, Vivre sans voir, Les aveugles dans la société française, du Moyen Âge au siècle de Louis Braille, Paris, Creaphis, 2003. Nouvelle édition, 2013.
- Bruno Liesen, Six points de lumière. Enquête autour de Louis Braille, Bruxelles, Memogrames / Ligue Braille, 2008
- Michael Mellor, Louis Braille. Le génie au bout des doigts, trad. de l’anglais par Claire Mulkai, Paris, Éditions du Patrimoine / Centre des Monuments Nationaux, 2008
- Bruno Liesen, « Histoire du braille”. Voir [barré]. Repères culturels de la cécité : I. Parcours historique et littéraire, (38-39), 2009, p. 60-82
- Joël Hardy, Nathalie Lewi-Dumont, Françoise Magna et al., Fiche d’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France « L’apprentissage et l’usage du braille », 2023.
Filmographie sommaire
- « Qu’est-ce que le braille ? Journée mondiale du braille : 4 janvier 2022 » : reportage réalisé à la Ligue Braille et au Musée Braille, incluant une interview de Nathalie Danjou, responsable du service de transcription de la Ligue Braille. www.youtube.com/watch le 17/12/2024)
- « Les malvoyants peuvent désormais lire des ouvrages numérisés en braille » : reportage diffusé par BX1 le 4 janvier 2017, avec interview de Khadija Tamditi, assistante sociale aveugle, conseillère à la Ligue Braille. www.youtube.com/watch (vu le 21/12/2024) - « L’histoire de Louis Braille » racontée et écrit par Ben Vandoorne, Réalisateur, Belgique www.youtube.com/watch (vu le 17/12/2024)
- « Transfert de Braille au Panthéon ». « Les cendres de Louis Braille ont été transférées au Panthéon. Retour sur la création du système d’écriture tactile ». INA, Diffusé le 26 juin 1952. www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe85004613/transfert-des-cendres-de-braille-au-pantheon (vu le 17/12/2024)
Sitographie sommaire
- Musée Braille à la Ligue Braille et liens vers des pages consacrée à l’histoire de Louis Braille et de son invention : www.braille.be/fr/musee-braille
- Musée de la maison natale de Louis Braille à Coupvray (France) : museelouisbraille.com